celuy de son voisin, penses tu
qu'il n'ait rien à desirer outre cela ?
Honoré d'Urfé,
Les Epistres morales, I, 9, p. 288.
Sans l'obligeance, le dévouement et la conscience de Christiane Fabricant et d'Uta Reese, ces informations ne seraient pas mises à la disposition de tout lecteur de L'Astrée. Merci Christiane et Uta !
Je voudrais aussi remercier Eliane Benoist des Archives départementales de la Loire, les responsables des Archives de l'Ariège, Christine Massat, Caroline Piquemal, Jean Cairo et Martine Patet, ainsi que Guy Perron, paléographe responsable du déchiffrement. Merci à Xavier de Saint-Chamas qui a transcrit et traduit le passage en latin.
Ce premier feuillet du manuscrit de 1599 illustre les difficultés rencontrées, et donc l'étendue de ma reconnaissance.
Le chanoine Reure, au début du XXe siècle, a rappelé que les archives du Forez avaient suivi les ducs de Lévis-Mirepois (pp. 154-156). En effet, les descendants de Jean-Claude de Lévis (mort en 1672), l'héritier universel de Diane de Châteaumorand η, possédaient le château de Léran, à Foix, dans l'Ariège (Annales du midi, 1907. 11 février 2020). L'heureux chanoine a pu consulter nombre de textes qui « ont été mis libéralement à [sa] disposition » (p. 155). Depuis cette époque, les choses ont beaucoup changé. Certains documents anciens décrits par le Chanoine ont disparu, comme par exemple la copie forézienne du testament d'Honoré d'Urfé et l'original de l'inventaire du château de Virieu η (Voir Notes en images et Cartothèque).
Dans Le Guide des archives de l'Ariège, Claudine Pailhès donne les renseignements suivants (pp. 276-277) :
Les manuscrits qui concernent les d'Urfé η, le Chartier de Léran, sont réunis dans la Série 40 J, liasse a2, un regroupement artificiel de multiples documents administratifs entrés aux archives par voie extraordinaire (don, achat, dépôt). Dans la liasse A2, la pièce 61 seule comprend 84 pages.
Les manuscrits que j'ai trouvés les plus intéressants décrivent l'accord passé entre les frères d'Urfé en 1599, l'acquisition du marquisat de Bâgé η en 1612, la querelle avec Saint-Géran en 1613, le testament de Diane de Châteaumorand η en 1625 (copié en 1626), et enfin les prétentions des héritiers d'Honoré d'Urfé et de Diane de Châteaumorand en 1629.
Chacun de ces documents révèle de profonds désaccords et des luttes intestines. L'argent manquait, mais aussi, semble-t-il, la confiance. L'isolement d'Honoré d'Urfé est poignant.
Les manuscrits cachés si longtemps dans les archives démontrent qu'il ne faut pas se fier aveuglément au testament d'Honoré d'Urfé. Ce testament a profondément blessé Diane de Châteaumorand η, et il a certainement envenimé les relations de la veuve avec le soi-disant héritier, Jacques II d'Urfé η. Honoré d'Urfé a laissé un chaos inqualifiable après lui, ce qui se reflète aussi dans l'histoire posthume de L'Astrée.
COTE : Châteaumorand a2 20. 7 feuillets
DATE : 8 mai 1599
PREMIÈRE PHRASE : « A Tous Ceulx que ces presentes Lettres
verront M[aîtr]e Estienne de Thelier & comme ainsy soit qu'un proces fut sur le point d'estre meu ».
DERNIÈRE PHRASE : « Extrait pris et collationné par Anthoine Boulard », procureur de Diane de Châteaumorand η, le 10 décembre 1625.
NOTES : Les S remplacent les ƒ des manuscrits. Les tirets indiquent les fins de ligne. Les lettres ajoutées sont entre crochets. Le point d'interrogation indique une leçon douteuse. Les commentaires suivent les textes.
A Tous Ceulx que ces presentes Lettres_
verront M[aîtr]e EStienne de Thelier & comme Ainsy _
soit Qu'un proces fut sur le point d'eStre meu & _
Intenté au baill[ag]e de forestz & au[tr]es Lieux pour _
rayson des droictz SucceSSifs de Legitime & au[tr]es q[ue] _
M[essi]re honoré durfé chanbellan de Son Altesse de _
Savoye pretendant [?] des heredités de feu M[essi]re _
Jacques durfé Chevalier de Lordre du Roy capp[itai]ne _
de Cent hommes darmes bailly de forestz & de IlluStre _
dame Renée de Savoye marquise de bugey _
& conteSSe de chasteauneuf & dame de Virieu Le _
Grand Ses pere & mere Les heritiers deSquelz Sont precedes _
& Jouis tant par M[essi]re Anne Comte durfé q[ue] M[essi]re _
Jacques paillard durfé & marquis de bagey Comte _
de chasteauneuf Comté de magnac Contre Lequel _
paillard durfé Il auroit baillé par declara[ti]on Ses _
pretentions & droictz [?] premier au legas _
faict aud[it] Seigneur honoré Led[it] deSfunct Son pere de _
La Somme de trois mil eScus un tiers & du cauSté _
de lad[ite] dame de Savoye Sa mere de La Somme de _
Cinq mil trois Cens trente trois eScus & tiers Reven[an]t _
a huict mil Cinq cens Soixante Six eScus quarente _
Solz & Semblable somme En pour le regard de feu reverend _
Hérédité signifie héritage.
Le père d'Honoré d'Urfé est mort en 1574 et sa mère en 1587. Ils ont eu probablement dix ou douze enfants η dont l'un est mort en bas âge (Voir Généalogie). Honoré, le cinquième fils, pour obtenir sa part de l'héritage de ses parents, a dû menacer ses frères aînés d'un procès.
Dans ce document, Honoré d'Urfé porte le titre de Chambellan η du duc de Savoie. Son procureur se nomme Limozin.
pere en dieu Athoine durfé Abbé de la chezedieu _
Seig[eu]r prieur de montverdun duquel Il a droict _
comme donnataire Et deSquelz Legatz Luy Sont _
deubz Les apportz & proSfit deSpuis le decedz de _
Leur pere & mere pretendoit auSSi au[tr]es droictz & _
adventages a luy faictz par led[it] M[essi]re Anne comte _
durfé Son frère, au Contraire led[it] Seigneur Jacques _
paillard durfé Auroient pluSieurs deSfences & _
exceptions comme Ilz auroient Remonstré par _
Icelles ReSpondant auSd[ites] pretentions premier q[ue] _
Ledict deSfunct Jacques Leur pere Auroient LaiSSé a luy _
Survivant dix enfans Cinq filz & cinq filles & _
Auroient eSte Institué heritier par le deSfunct _
M[essi]re CLaude durfe [ayeul] des parties & avoir audict _
Jacq[ues] SubStitué Les Siens & meSmes Le premier _
MaSle Leq[ue]l premier MaSle eSt Led[it] meSSire anne _
& Seroient dernier leSd[its] CLaude & Jacques En ceSte _
volonte Ayant Ledict Jacques Rendu & alienne une _
bonne partie des biens & heredités dudict CLaude _
A laquelle au deSfault de MaSle dud[it] M[essi]re anne _
Sont appelles Les au[tr]es MaSles ch[a]cun en Son _
ordre Ledict Jacques paillard durfé en Rand & _
Second en rend & daultant q[ue] par led[it] MeSSire Anne _
na aucuns Enfans Il entre Et de la volonté & _
L'héritage d'Antoine d'Urfé η, abbé de la Chaise-Dieu et évêque de Saint-Flour, mort en 1593, n'a pas été réglé.
Anne d'Urfé η a fait des promesses qu'il n'a pas tenues.
Jacques II d'Urfé η aussi. Il se justifie en rappelant que leur père, Jacques d'Urfé, n'a pas conservé ce qu'il avait hérité de son propre père, Claude, mort en 1558. Déjà dans une tentative d'accord datée de 1596, Jacques η ne payait pas ce qu'il devait à Anne η parce que « les affaires de leur maison [étaient] si embrouillées par dettes si grandes et appanages de ses autres freres et sœurs » (cité par Bernard, p. 193, note 1).
Cet accord du 8 mai 1599 nous apprend qu'à cette date Anne η ne s'attendait plus à avoir des enfants et qu'il avait déjà cédé ses charges à Jacques II η.
ordonnance dud[it] Claude Son ayeul, par ce q[ue] les _
Enfans maSles dud[it] Jacques Leur pere Sont _
appellés en la diSpoSi[ti]on au prejudice deSquelz _
Ledict Jacques pere na peu Rendre donner Leguer _
& aliener Si non a Concurrance de Sa Legitime & _
quarte tribillianne & par ce q[ue] led[it] Jacques a _
rendu & aliene de lheredité dud[it] CLaude Comme _
beaucoup plus q[ue] les deux quartes ne peuvent _
monter Les Legatz faictz par led[it] Jacques a Ses _
Enfans ne peuvent obliger ceulx qui Sont appelles _
& qui reviennent en Rang en lad[ite] restitu[ti]on ne peuvent _
donner plus q[u'i]l avoit & quand aud[it] Paillard _
durfe Il le tient non de lheredité de Sond[it] deSfunct _
pere avis de Son chef Il eSt appellé a lheredité _
de Son ayeul Et tant Sy fault quil prenne _
qualité d'heritier de Son dict feu pere qu'au _
Contraire Si le demandeur ne veuille prendre _
Le deSfendeur pretend Le Convenir & retourner _
Sur Luy prenant ceste qualité tout ce que plus _
Ledict Jacques a alienné ou[tr]e & pardeSSus _
Sa Legitime & quarte tribillianne Et eSt notoire _
quil a diStraict de lad[ite] heredité plus q[ue] les quartes _
trebelianes Et ce notoire quil a diStraict de lad[ite] _
Le père d'Honoré d'Urfé, Jacques d'Urfé, a aliéné la « quarte trobelliane » que Furetière définit ainsi : « En termes de Jurisprudence, est la quatriéme partie d'une succession, qu'un heritier institué retenoit pardevers lui ; quand il étoit chargé d'un fidei-commis, qui l'obligeoit à remettre l'heredité entre les mains d'un autre ». Jacques aurait dû transmettre l'héritage à ses enfants (la légitime η).
heredité plus q[ue] les quartes ne montent Il ne peult _
pretendre ny remander Soit de Son chef ou dudict _
Anthoine duquel Il dict avoir droict deSd[its] Legatz _
& par Continuance des faictz et apportz & pour _
Le Regard de lheredité de lad[ite] de lad[ite] de Savoye leur _
mere de laquelle [?] bien q[u'i]l Soit donnataire univerSel _
Il n'a Jamais voulu Accepter ceSte qualité Synon _
q[ue] benefice dInventé, par ce q[ue] Lad[ite] heredité _
eStant chargée de debtes q[u'i]l pourroit obServer L'heredité _
& que Si le demandeur veult Entrer en Icelle & demander _
Ses portions tant de Son chef q[ue] dud[it] Anthoine _
Son frere en corpz ces [?] Il fault q[ue] a _
meSme portion Il Entre en lacquittement des debtes _
& Se [?] q[ue] d'Icelles heredités Bien peu _
pourra rester & quand aux pretentions ou _
donnations q[ue] le demandeur dict avoir dudict _
M[essi]re Anne Comte durfé Leur frere de _
meSmes ne doibt f[air]e fondement Car _
dune heredité ne peult eStre extraict q[ue] une _
Quarte trebeliane Laquel dextraicte par _
Led[it] Jacq[ues] Leur pere Ledict M[essi]re ne peult _
diStraire & eStre Intenter en conStances & _
deSpendances d'Iceux ont renonces & Renoncent _
L'héritage étant grevé de dettes, l'accepter c'est s'engager à payer les créanciers.
Sans eSpoir Jamais de le pouvoir relever &_
venir au Contraire Et led[it] Seig[neu]r paillard durfé _
approuve & par ces p[rése]ntes promet bailler & _
deSlivrer aud[it] Seig[neu]r Honoré durfé La So[mm]e de vingt _
cinq mil eScus Il a promis rendre par Led[it] Seigneur _
paillard durfé Soubz La grace de Reachapt au feu d'hostel _
au pris de Cent Soix[an]te eScus et enjoinct les greSfes _
deSd[ites] Seigneuries & le pris de Cent eScus le tout _
demeurant auSd[its] Seigneurs en recompence deSd[its] _
fruitz permis deStre poSSeder par led[it] Sieur avec _
Les arryerages a luy deus Suyvant La procura[ti]on _
a luy paSSée par led[it] Sieur paillard durfé & Sans y _
q[ui] a eSte [?] receu par le Sieur de buSSi Leur frere & JuSq[ues] _
a la Conven[ti]on de contrayre Laquelle advenant & q[ue] _
Le Seig[neu]r paillard d'urfé veulent acquiter la partie _
de vingt mil eScus aud[it] Sieur honoré Lad[ite] Seigneurie _
de la baStie demeurera afectée a Icelle dame de _
chasteaumorand a la forme de Son contract de lad[ite] _
Somme de trois mil eScus, Et en cas q[ue] led[it] Seig[neu]r _
paillard durfé ne payeroit lad[ite] Somme de vingt _
mil eScus dans le temps Susd[it] de deux ans aud[it] _
Sieur honoré Son frere en ce cas leSd[its] Seigneurs de _
chasteauneuf & virieu demeureront purem[en]t & _
reellem[en]t acquis aud[it] Seig[neu]r honore durfé en deSchargeant Lad[ite] _
Seigneurie paillard durfe envers Lad[ite] dame & aud[it] _
Le sieur de Bussy est Christophe d'Urfé η.
La part d'Honoré d'Urfé est de vingt cinq mille écus η dont trois mille iront à Diane de Châteaumorand η, sa créancière.
Si Jacques II η ne paie pas cette somme dans l'espace de deux ans, Châteauneuf et Virieu η appartiendront à Honoré d'Urfé.
Seigneur de chasteauneuf virieu demeureront chargé-
& aSfecté & lad[ite] Seig[neu]rie de la bastie des charges de lad[ite] _
Somme de trois mil eScus du ConSentem[en]t de lad[ite] dame _
tenu luy payer au dire de prudhommes & par le _
preSant traicté [?] les parties du prejudice qui ont _
promis & Juré par leur foy & Serement ouy Sans _
[?] deu garder d'obServer le Contenu _
aux preSentes A peyne de tous deSpens dom[mage]s & _
Interest & Lesd[ites] Seigneuries demeureront aud[it] _
Sieur honoré Led[it] Seig[neu]r paillard durfé promet Les _
Luy maintenir & pour Jouir en paix Garder & _
garentir envers & contre tous Et pour ce f[air]e _
ont Soubzmis & obligé tous leurs biens a toutes _
[?] de Royauture du Comté & duché de Savoye _
Luy valloir la Surveille ni prendre ou SenSuict _
En teSm[oi]n de quoy nous Juge Susd[it] avons mandé _
Le Scel royal eStre mis & appoSé a ces p[rése]ntes _
faictes Et paSSées au chasteau de la Batie _
Le huictieSme Jour du mois de May Appres _
mydy lan mil Cinq cens quatre Vingt & _
dix neuf en preSance dud[it] M[essi]re anne durfé Leur _
frere aiSné [?] Lesd[ites] remiSes faictes de Son _
advis & conSentem[en]t Noble CLaude de Galles _
Seig[neu]r de S[ain]t Maran durfé hon[ora]ble M[essi]re Guillaume Rieult _
ad[voc]at du Roy en leSlec[tio]n de forestz & hon[nora]ble Marc de la _
MouSSiere bourgeois du pont de vele en breSSe teSm[oins] _
L'accord est signé par Honoré, Jacques II η (« Le Paillard η d'Urfé »), et Diane η de Châteaumorand. Anne η agit en témoin.
Qui ont Signé avec les parties a la g[ro]sse des p[rése]ntes_
& Signe durfé ; Le paillard durfé, & chasteaumorand _
Galles Rieult preSant de la mouSSiere Loche No[tai]re royal _
recepvant Loche, Ainsy receu Et expedié au proSfit _
dud[it] S[ieu]r honoré d'urfé & moy Notaire royal Soubz[sig]ne led. _
Le preSant Contract d'accord Sus eScrit a eSté p[rése]nté _
en Jugem[en]t & pardevant eStienne de Thelier & _
par Limozin procur[eu]r dud[it] Sieur durfé qui en a requis _
La publica[ti]on InSigna[ti]on Enregistrem[en]t & acte _
Et pour Servir & valoir ce q[ue] de RaySon Surquoy _
par Nous Lieuten[an]t g[é]n[ér]al SuSd[it] Appres q[ue] par _
n[ot]re GreSfier Soubz[sig]ne A eSte faict Lecture du p[rése]nt Contract _
Avons ordonné Icell[ui] eStre InSignué & enreg[ist]re au papier _
et reg[ist]re du greSfe des InSignua[ti]on dud[it] baill[ag]e ce q[ui] a _
eSté faict ez feuilletz iiiixx x. iiiixx xi. & iiiixx xii. _
dud[it] papier dud[it] mercredy deuxieSme Juin Mil Cinq _
cens quatre vingt dix neuf. _
Extrait pris & colla[ti]onne a son Semblable _
tire du livre des Insignua[ti]ons du baill[ag]e de _
foreStz exibe & a linStant retire par M[aîtr]e _
Gilles Ganieu cy devant nomme au GreSfe _
du domayne de foreStz. Ce requerant M[aîtr]e _
Anthoine boulard procureur de dame _
dianne de ch[âte]aumorand pour Servir & _
extrait ce que de raiSon. fait a _
par le not[ai]e royal Soubz[sig]ne le dixieSme _
decembre xvic & vingt cinq & ont _
Signe. _
Ganieu (paraphe) Boulard (paraphe)
[?]
not[tai]e royal
Cette copie faite à la demande de Diane de Châteaumorand η le 10 décembre 1625 devait sans doute permettre à la veuve de défendre ses droits en face de Jacques II η, héritier universel d'Honoré mort le 1er juin 1625.
COTE : Châteaumorand a2 16. 4 feuillets avec gloses marginales.
DATE : 1er janvier 1612.
PREMIÈRE PHRASE : « A Tous ceux que ces p[rése]ntes L[et]tres veront »
DERNIÈRE PHRASE : « Je notaire royal soubsigné ay faict la presente Coppie du Contract de vente sur la propre expedition d'icelluy a moy exhibé par Maistre Anthoine Guerry [...] ce second jour de juillet mil six cent vingt. A. Guerry. Chiral [?]. notaire royal. »
Ce manuscrit est une copie faite à la demande du Marquis de Bâgé η et contresignée par un notaire royal au paraphe illisible.
Il s'agit d'une cession η de remise de droit sur le marquisat de Bâgé η, faite le 1er janvier 1612 par Jacques Teste η, sieur du Taney, à Honoré d'Urfé et Diane de Châteaumorand η devant Flore Dumont, notaire royal à Lyon.
Le 15 mars 1603, le Parlement de Bourgogne a donné raison à Jacques Teste η contre Anne η et Jacques η d'Urfé, réunis avec leur sœur, Catherine, épouse de Jean du Planet η. Le marquisat de Bâgé-en-Bresse η appartient à Jacques Teste η à la suite d'une transaction de Jacques η II d'Urfé. Celui-ci n'a pas remis la somme de vingt-trois mille cinq-cent-quatre-vingt-seize écus η et trente sous tournois due à Jacques Teste η. Le chanoine Reure parle plutôt d'une dette de trente-six mille livres η (p. 152), ce qui équivaut environ à treize mille écus η seulement (Voir ce site, 30 mai 2016).
des Le vingt unieSme Jour de Juillet _
de Lad[ite] Année 1603 de La plus part duquel _
marquiSat il auroit plainem[en]t & paiSiblement _
Jouy Jusques a p[rése]nt NonobStant Les empeSchemens _
& troubles que auroit voulu susciter MeSSire _
Charles de Lorraine duc de mayenne pair _
& Chambelland de France & dame henrie de Savoy _
Son eSpouSe contre Lesquelz Led[it] S[ieu]r de Taney auroit _
obtenu arreSt au grand conSeil du Roy du dernier _
Jour de Mars 1608
On notera l'intervention du duc de Mayenne en 1608. Il est l'époux d'Henriette de Savoie, la cousine de la mère d'Honoré d'Urfé (Voir Généalogie).
flore dumont Notaire Royal a Lyon SoubSigne _
et en La p[rése]nce des teSmoi[n]gtz apres nommes _
Personnellem[en]t EStably Led[it] noble Jacques _
Teste S[ieu]r du taney Lequel aggreablement & _
volontairement pour Luy & les Siens cedde quicte _
remis & transporte purement Simplement & _
Irrevocablement par ces p[rése]ntes a Messire _
honore d'urfé marquis de valromey Baron _
de Chasteau morand & Le Grand ConSeiller _
du Roy en son conSeil d'eStat Cappitaine de _
Cinquante hommes d'armes de ses ordonnances _
Gentillhomme ordinaire de sa chambre & a _
Dame diane de chaSteaumorand marquiSe _
& dame desd[its] Lieux sa femme & espouze de _
Laucthorite dud[it] seigneur son mary p[rése]ntz & _
Acceptans au proffit deux et des Leurs _
hoirs & Ayans ca[use]s quelconques A scavoir _
Tous Les droictz noms raiSons & actions _
que peuvent appartenir aud[it] S[ieu]r de Taney en _
façon & maniere que ce Soit par vertu desd[its] _
arrestz criees subasta[ti]ons adjudica[ti]ons mise _
en possession JouiSSance ou autrem[en]t en facon que _
ce Soit, po[u]r du tout Jouyr Garder poSSeder & _
f[air]e par Lesd[its] seigneur & dame marquis de _
valromey & LeSd[its] Luns a L[eu]r volonte pour _
& moyennant semblable somme de vingt quatre _
mil eScuz solz reduictes a Soixante douze _
mil Livres pour Laquelle somme Led[it] _
marquiSat de Bauge avec Ses appartenances & _
despendances Susd[ites] auroit este expedie et vendu _
Judiciellement aud[it] S[ieu]r de Taney q[u'i]l diSt avoit _
eue & receue desd[its] seigneurs & dame d'urfé _
marquis de valromey dont il Sen tient et _
Les en quicte avec part de ne Leur en jamais _
rien demander & de tous LeSd[its] droictz noms _
raiSons & actions dud[it] Sieur de Taney il S'est _
deveStu et deveSt sans y retenir & reServer _
aulcune choSe
Honoré d'Urfé en 1612 n'est pas seulement gentilhomme de la Chambre du Roy, il est encore « Grand Conseiller du Roy en son conseil d'Estat ». Ce Roi est alors Louis XIII, encore mineur.
en teSmoing deSquelles choses _
nous garde susd[it] Led[it] sel commun Royal _
Avons faict mettre et appoSer a ces p[rése]ntes _
faict & passé aud[it] Lyon en LhoStel d'habita[ti]on _
de monSieur m[onseigneu]r Guillaume de Montholon _
conSeiller du Roy m[aîtr]e ordinaire des RequeStes de _
Son hoStel SurIntendant en La JuStice & police _
dud[it] Lyon Le premier Jour du mois de Janvier _
apres midy mil six centz & douze p[rése]n[t]s A _
ce hault & puissant Seigneur MeSSire Anthoine _
dotun Seigneur de La Baulne baron de _
Balmon Seneschal de Lyon conSeiller du Roy en _
son conSeil privé commandant pour sa _
Maieste en La ville & Gouvernem[en]t de Lyon Led[it] _
S[ieu]r de Montholon m[onsieu]r m[aîtr]e Jean [?] docteur es _
droictz advocat es courts A Lyon & m[aîtr]e hugues _
Fabry notaire royal es pays de breSSe Bugey _
valromey & les teSmoingtz a ce Requis qui ont _
avec Les parties signees a la m[inu]tte des p[rése]ntes _
On notera la présence d'Hugues Fabri η parmi les témoins. Il est le notaire attitré d'Honoré d'Urfé à Virieu η (Voir Lettres).
En novembre 1613, Diane de Châteaumorand η a l'audace de faire déplacer le cercueil de la grand-mère du comte de Saint-Géran. Le comte et ses alliés la punissent en encerclant son château. D'Urfé est alors absent. Marie de Médicis η le convoque à la Cour pour l'empêcher de se rendre à Châteaumorand. M. d'Alincourt, le gouverneur du Lyonnais, est à Fontainebleau. Il envoie une missive à Diane de Châteaumorand η pour annoncer qu'il vient à son aide (Reure, pp. 155-169).
COTE : Châteaumorand a2 34. 2 feuillets.
DATE : 12 novembre 1613.
Lettre de M. d'Alincourt, Gouverneur du Lyonnais.
PREMIÈRE PHRASE : « Madame La Reyne a icy sceu »
DERNIÈRE PHRASE : « De fontainebleau Ce 12e novembre 1613 »
Lettre de M. dalincourt, gouverneur du Lyonnais
12 novembre 1613
Madame
La reyne a Icy Sceu quil Scest faict quelques assemblées en _
vos quartiers acauSe de quelque differend q[u'i]l y a en[tre] m[essieu]rs _
de Sainct Giron et vous ou[tre] le Commandement que Sa ma[jes]té _
vous en faict aux ungs et aux au[tr]es de Separer tout _
Ce q[u'i]l y pourroict y avoir dasSemblé pour Cela et de _
LaiSSer toutes ChoSes que le Subject du differend que vous _
avéz en lestat quelles ce trouveront lors de la réception _
des l[ett]res de Sad[i]te ma[jes]té A quoy madame Je Scest _
que vous Ne manquerez dobeir cela alant dans mon _
Gouvernement Jy adjouxte encore ma p[résen]ce que Je vous _
en faictz de voulloir remettre Seurcela toutes ChoSes _
au Jugement et ConSeil dung amis Sans y rien _
alterer davantaige mosfrant de vous y Servir quand _
Je Seray de pardela ou Jespere eStre bien fest ou vous _
CognoiStres que ou[tre] que Jauray Soing dy ConServer Ce quy _
y Sera deub aux ungs et au[tr]es Je vous y teSmoigneray _
que Je Suis _
Madame V[ot]re bien humble Serviteur _
dalincourt _
Le gouverneur du Lyonnais à cette date, d'après les informations que donne le dictionnaire de Moréri, était Charles de Neufville, sieur de Villeroy et marquis d'Alincourt (1556 ? - 1642), qui a succédé à son père, Nicolas (Voir ce site, 3 novembre 2020).
4 COTE : Châteaumorand a2 35. 3 feuillets. Lettre de la reyne.
c 153 - Marie η de Médicis.
DATE : 12 novembre 1613.
PREMIÈRE PHRASE : « Monsieur d'Urfé - Ayant à conferer avec vous »
DERNIÈRE PHRASE : « Gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, Monsieur mon fils ».
importe le service du Roy, Monsieur mon filz, je desire que,_
incontinent la presente receue, vous me veniez trouver en ce lieu,_
où je vous verray volontiers, et y serez le bien venu – si necessaire pour [?]_
subjet, je ne la vous feray plus longue, que pour prier Dieu, _
Monsieur d'Urfé, qu'il vous aye en sa Ste garde. Escrit à _
fontainebleau. Ce XIIe jour de Novembre 1613
Marie.
Phelipeaux.
Monsieur d'Urfé - de Chasteaumorand, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, Monsieur mon fils
Tout au long de sa régence, Marie de Médicis η s'est fermement opposée aux duels qui se multipliaient entre 1610 et 1630 (Billacois, p. 184).
Son secrétaire, Paul Phélypeaux de Pontchartrain (1569 - 1621), a laissé un Journal de la régence.
Comme Marie de Médicis traite Honoré d'Urfé de
« gentilhomme de la Chambre du roy, Mon fils », il s'avère que le romancier, en novembre 1613, n'avait probablement pas encore renoncé à ce titre.
COTE : Châteaumorand a2 38. 4 feuillets.
DATE : 16 novembre 1613.
2e lettre de Marie de Médicis η à Honoré d'Urfé.
PREMIÈRE PHRASE : « Monsieur d'Urfe'.
je vous commanday hier ».
DERNIÈRE PHRASE : « Gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, Monsieur mon fils ».
je vous commanday hier de ne partir point d'auprez de moy,_
Monsieur mon fils, où vous dy que j'avois donné ordre_
de faire retirer le Sr de S. Gerant [?] ses amis des environs
du Chasteau de Chasteaumorand et de faire accommoder cest affaire. Néanmoins,
je suis advize que vous aviez monté sur des Chevaux de poste,
où vous y aviez allé sans aucun congé, Ce que je trouve tres mauvais.
Je depesche Cét exenpt des gardes du corps du roy, mon sieur et filz_
apres vous avec la presen[te] par laquelle je Vous commande et_
ordonne, sur peine de desobéissance, de vous en revenir en toute diligence_
me trouver en ce lieu, ayant chargé cét exempt de vous ramener_
avec luy ; quand vous serez Icy, vous entendrez ce que j'ay à_
vous dire sur ce subjet de vos affaires, Je massure que vous_
ne manquerez de satisfaire à Cette mienne [?], je ne vous_
ferai plus longue lett[re], Que pour prier dieu, Monsieur d'Urfé, quil _
vous ay en sa garde. Escrit à fontainebleau, ce XVIe
jour de Novembre 1613.
Marie
Phelipeaux
à monsieur d'Urfé_
de Chasteaumorand, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roy, Monsieur mon fils.
Jean-François de La Guiche, seigneur de Saint-Géran, comte de La Palice (1569 ? - 1632), est alors lieutenant-général du Bourbonnais. Il s'est battu contre la Ligue et il s'est fait connaître par ses violences.
C'est
« une sorte de condottiere », selon le chanoine Reure (p. 156).
Les exempts
« sont ordinairement employez à faire des captures ou autres executions à la teste de quelques Gardes ou Archers » (Furetière).
Espérons qu'Honoré d'Urfé n'a pas subi l'infamie d'une arrestation !
5 COTE : Châteaumorand a2 35.
Marie de Médicis η à Diane de Châteaumorand η.
DATE : 12 novembre 1613
PREMIÈRE PHRASE : « Madame de Chasteaumorant sur Ladvis qui ma este donne »
DERNIÈRE PHRASE : « dessus à madame de Chasteaumorant ».
Madame de Chasteaumorant
Sur Ladvis qui ma eSte donne de quelque _
brouillerie qui est survenu en[tre] vous et les s[ieu]rs de Sainct Giron et _
de chetin a locca[si]on d'une Sepulture quilz avoient faicte enlever _
pour le Corps de La feue dame de Chetin leur grand mere que _
vous avez faict abattre de v[ot]re mouvement part[iculi]er, et _
pour raiSon de quoy Ilz ont assemblé pluSieurs de leurs amis _
qui Sont a p[rése]nt a Lentour de v[ot]re maison aux armes _
Jordonne p[ré]ntement audict Sieur de s[ain]t Giron par Ce Courrier _
que Je ly dizpoze Ci expres de se retirer et Separer tous _
Ceux qui Sont assemblés Sur ce Subject et ou[tre] ce Jay voulu _
que Led[i]t Courrier vous ayt auSSy porte Cezte l[ett]re_
par laquelle Je vous commande de Contenir de vostre part _
touttes choSes en lestat quelles se retrouveront lors _
de la reception dicelle Sans f[ai]re aucune action ny _
procedures qui puisse davantage alterer cest asfaire le tout _
en attendant que le Sieur dalincourt Soit pardela qui _
Si doibt ACheminer bien tost et auquel Je Commanderay _
den prendre Congnoissance pour adviSer aux moyens _
daccommoder le tout par ung bon Accord et trouveray _
bien A propos que pour Ce estant vous vous en adreSSerer _
A luy et luy rep[rése]nterer les raisons qui vous ont peu _
mouvoir de Commancer cette brouillerye par la desmoli[t]ion _
que vous aves faict fere Sans aulcune forme de _
Justice de lad[i]te tombe ou Sepulture Surquoy vous _
devez esperer que le Sieur dalincourt vous donnera tout _
subject de Contentement Surce Je prye dieu madame de _
Chasteaumorant qu'il vous ayt en sa Saincte garde escrit _
A fontaynebleau ce xiie Jour de nov[em]bre 1613
marye _
philipeau,
deSSus à madame de Chasteaumorant. _
Le seigneur de Chitain est Godefroy de La Guiche, frère de Jean-François de La Guiche. Les deux hommes ont longtemps eu des démêlés avec les d'Urfé au sujet d'une chapelle à Lalière. C'est au quarantième de leur grand-mère que la situation se détériore à cause de Madame de Châteaumorand η.
Quand le château est assiégé, le fidèle Jacques de Jas η doit aller chercher le prévôt de la maréchaussée pour libérer Diane ! Selon des documents retrouvés par le chanoine Reure, cinquante témoins ont fait des dépositions (p. 161).
Pontchartrain note dans son Journal de la régence, qu'en août 1619, Saint-Géran est fait maréchal de France (II, p. 120). En décembre de la même année, il devient Chevalier du Saint-Esprit. Son frère aura moins de chance. En 1627, il mourra tué à la suite d'un duel avec le marquis de Châteaumorand, l'héritier de Diane η (Reure, p. 169).
COTE : a2 17. 6 feuillets avec gloses marginales.
DATE : Dernier octobre 1625, publié le 16 mars 1626.
PREMIÈRE PHRASE : « Judiciellement Pardevant Nous Lambert Croppe conseiller du Roy Lieutenant General Civil, Claude Linet Lieutenant particulier et Estienne Papon aussy Conseiller du Roy ».
DERNIÈRE PHRASE : « Lundy Seiziesme Jour de Mars Mil Six Cens vingt Six.
Dubarry Greffier ».
Diane de Châteaumorand η est morte le dimanche 8 mars 1626 « sur les trois à quatre heures du matin » dans son château à Saint-Martin-d'Estréaux (Voir Cartothèque). Par testament olographe η d'octobre 1625, elle a laissé ses biens à son neveu, Jean-Claude de Lévis η : « L'hoirie dont est question est belle opulente et s'estend en diverses provinces & baillages », écrit le notaire. Le chanoine Reure (pp. 78-80) et Marguerite Gonon (pp. 51-53) décrivent le manuscrit original de ce testament sans l'analyser.
Ce serait affaiblir ce texte que de le commenter : pauvres cendres de peu d'importance ! Mais Honoré d'Urfé ne dut pas être bien heureux en ménage,
conclut Mme Gonon (p. 53) ; le chanoine Reure ne la dément pas (p. 173).
M[essi]re Jean CLaude de levis seigneur _
Baron de Montenon et au[tr]es plasses present & assiste _
de M[aîtr]e Michel [?] son procureur a Remonstré _
Que deSfuncte dame dianne de chasteaumorand dame _
Marquise de Bauge Baronne dudict ch[ât]eaumorand _
et au[tr]es places sa tante Luy Ayant Tesmoigné une _
par[ticuli]ere affection par dessus ses au[tr]es parens En La _
donna[ti]on qu'elle Luy Auroit faict entre Vifz Le _
vingtiesme Novembre de lannée derniere Mil six _
Cens Vingt cinq et rattiSfica[ti]on dIcelle du vingt huict[iè]me _
Janvier dernier.
Jean-Claude de Lévis η était baron de Maumont. Comme la mère de Diane η, Gabrielle de Lévis-Charlus, a apporté la fortune et titre de Châteaumorand à son époux, Antoine Le Long de Chenillac. Diane juge sans doute équitable de rendre ces biens considérables à la maison de Lévis η tout en assurant la survie du nom de Châteaumorand.
Les sieurs Pierre, Gabriel, André et leur sœur, Jacqueline Le Long, cousins germains de Diane, assistés par Maître Anthoine Boulard, font valoir leurs droits sur l'héritage. Ils affirment qu'Antoine Le Long, le père de Diane, avant la naissance de Diane, sa fille unique, aurait fait une donation à sa sœur, la mère des plaignants (Archives de Châteaumorand, ms. a2 34. 1662).
Le testament de Diane sera ouvert après vérification des seings et cachets, à moins qu'ils ne puissent
« desduire leur moiens » pour empêcher la publication du document.
Le Lieutenant général fait prêter serment aux témoins qui ont vu Diane signer son testament. On notera la présence de Jacques de Jas η, écuyer ; il sera aussi un des héritiers.
par Luy faict appeler LeSd[its] Notaire & TeSm[oin]s par Nous _
de survoir lung appres Lau[tr]e & dIceulx pris Le _
serment quilz ont faict & presté de dire veritté appres _
avoir dict eStre aagez Scavoir M[aîtr]e CLaude Gaultier _
Notaire Royal de Quarente cinq ans ou Environ, pierre _
deSchamps sieur de fayettieres de cinquante six ans _
Barthellemy deschamps procureur doSfice de ch[ât]eaumorand _
de quarente sept ans Nicolas chartier GreSfier dud[it] Lieu _
de Trente quatre ans ven[éra]ble M[essi]re Jean Noally p[rê]tre Curé _
de s[ain]t martin destraux de Trente deux ans M[aîtr]e Jehan _
duboys procureur poStulant au siege de ch[ât]eaumorand _
de Trente quatre ans, Louys Nazarier sieur dabeliers _
de Vingt huict ans Anthoine Burnot receveur de lad[ite] _
dame de Trente Sept ans et Jacques deJas eScuyer _
sieur dudict Lieu de quarente trois ans ou environ _
et a eulx faict exhibé & mettre en Leurs mains Led[it] _
TeStament ont Tous dict & attesté separem[en]t comme dict _
Les plaignants contestent le témoignage de Nazarier (« variation ou incertitude ») et demandent que le document reste au greffe pendant trois jours pour qu'ils le fassent copier. Mais Nazarier « a veritablement reconnu avoir veu signer la dite dame ». Il affirme même l'avoir vue signer
« plus de cinq cens autres » documents.
« La Carte », c'est-à-dire le testament manuscrit, est ouverte et décrite :
Laquelle eSt Led[it] acte de subScription y dessus recogneu et au _
dedans dIcelle se sont [?] Trois paiges eScriptes et au long _
de la marge de la Trois[iè]me dIcelle quatre Lignes La der[niè]re dIcelle _
Contenant La datte du dernier octobre mil six cens vingt cinq et _
signé ch[ât]eaumorand, et dans Lad[ite] feuille une au[tr]e demye _
feuille separée contenant une paige deScript et signée au bout _
ch[ât]eaumorand
Subscription du Testem[en]t selempnel de _
dame dianne de chaSteaumorand_
AuJourdhuy Troisiesme Jour de Novembre Mil _
Six Cens vingt cinq pardevant Moy CLaude Gaultier _
Notaire Royal au bailliage de forestz soubz[sig]ne et _
presens Les Tesm[oin]s cy appres Nommez SeSt p[rése]nte[men]t AuSte _
et puissante dame diane de ch[ât]eaumorand dame Baronne _
dudict Lieu chaully Besnert Maumesnayne vefve de _
puissant seigneur M[essi]re honore urfe eStant a p[rése]nt en Son _
chaStel de ch[ât]eaumorand Laquelle a dict Et desclairé Avoir _
faict son TeStam[en]t Solempnel et diSpoSi[ti]on de der[nièr]e volonté _
eSCript et signé de la propre Main ainSy quest contenu _
dans un cayer & feuilletz de papier cachetté en Cire Rouge _
deSpaigne Avecq du Rubans de Soye de colleur colombien _
en Treize endroictz Lequel Testament elle veult valloir _
par La Meilheur forme que TeStament Solempnel Et _
[?] doibt & peult valloir et que Toutes Les _
diSposi[ti]ons Et choSes y contenues sortes Leur plain Et _
entier ESfet sellon sa volonté & diSposi[ti]on Incerées dans _
Ledict papier et feuilletz requerant Les TeSm[oin]s cy appres _
Nommez en porter bon et Loyal TeSmoignage Et a moy _
Notaire susdit en recevoir Le present Acte, Le Tout en _
La p[rése]nce de honn[orabl]e pierre deSchamps sieur de fayettieres _
y demeurant parr[oiss]e de laval Barthellemy deSchamps _
procureur doSfice dudict ch[ât]eaumorand M[aîtr]e Nicolas chartier _
greSfier dudict Lieu, Ven[éra]ble M[essi]re Jean de Noally p[rê]tre Curé _
de sainct martin destraulx M[aîtr]e Jean duboys procureur _
poStulant au Siege de ch[ât]eaumorand, Louys Nazarier S[ieu]r _
des Beliers M[aîtr]e Anthoine Burnot Receveur de lad[ite] dame _
Jacques deJas sieur dudict Lieu TeSmoings requis _
Et appellés par Lad[ite] dame LeSquels avec Ladicte _
dame ont signé ce dict Jour Troisiesme de Novembre _ Mil Six Cens viongt cinq signé chaSteaumorand _
deSchamps deJas [?] dubois, Nazarier, de Noally _
Curé, Chartier [?] deSchamps, a Burno, Gautier _
Notaire Royal. _
Vient enfin le texte du testament :
Testement Solempnel de haulte _
et puissante dame dianne de _
chaSteaumorand _
Au nom du pere du filz et du sainct eSprit Je _
Soubz signée diane de ch[ât]eaumorand cognoissant quil _
Ny a Rien Sy certain que La Mort Ny Incertain q[ue] _
Lheure Sayne deSprit & de corps par la Bonté de _
dieu que Je supplie Veoir mon ame a lheure de ma _
mort par Le meritte de la passion de n[ot]re seigneur _
Jesus crist et par LIntercession de la GlorieuSe _
Vierge Marie Madame & maistresse Tutulaire et de _
Tous Les S[ain]tz & [?] de paradis particullierement _
Sainct francoys s[ain]t claude s[ain]t Ignace & Sainct andre q[ue] _
Je supplie Tous Intercedder pour Moy quy rendz _
Mon ame a dieu et ordonne qu'on Mette mon Corps _
appres estre bien EmboSme dans une quaisse de plomb _
pour estre appres Enterre dans La cour Soubz Leglize _
Que Jay faict marquer a s[ain]t Martin parroisse de _
Ch[ât]eaumorand InStituant Mon heritier Jean CLaude _
de levis filz de feu M[essi]re Jean de levis mon Co[u]sin _
Germain Quant Il vivoit Comte de charlus Aux _
charges Et condi[ti]ons Quy SenSuivent, premierement _
de faire porter mon corps au plus proche couvent _
de Capucines et recollets attendant que le couvent _
Diane η ne se dit pas malade ou en danger de mort. Elle veut sans doute mettre ses biens à l'abri de Jacques d'Urfé η, héritier d'Honoré depuis le 1er juin 1625.
L'introduction, faite de formules consacrées, est suivie de recommandations au sujet de l'enterrement (non des funérailles). Les choix de Diane sont ceux d'une dame de la noblesse qui ne manque pas de moyens (cercueil de plomb et embaumement). Diane ne sera pas enterrée au cimetière, mais dans l'église. Bien qu'il ne soit pas question de caveau familial, elle désigne un lieu qu'elle a
« fait marquer ».
Que Jordonne que soit BaSty soit en eStat de le recevoir _
en charger Les religieuzes ou mon corps sera porté dire _
Tous Les Jours une messe de n[ot]re dame et une de requiem _
avecq Le Salve et que Mon her[iti]er Leur donne Cinq[uan]te _
eScuz Tous Les ans Tant et Sy Longuement que Je Seray _
dans Leur eSglize Qu'on fasse une Aumosne Generalle dun _
potage dun quar[ti]er de pain et un sols a ch[ac]un pauvre qu'on _
assemble JuSques a Trente trois p[rest]res a ma quarantaine _
Quy puissent Tous Cellebrer Messe pour La remission de _
mes faultes, de plus Je veulx & Entendz que Jean CLaude _
eStant mon heritier unniverSel de Tous mes biens Meubles _
& Immeubles deSquelz Je mourray vestue & SaiSie donné sur _
Le plus beau & meilheur de mon bien JuSques a mil Livres _
Tous Les ans pour Le couvent Que Je veux estre baSty _
Comprenans ce que mes predecesseurs ont donné, Et Le Revenu _
des chappelles Quy Sont a ma Colla[ti]on pour faire continuer _
Les ordonnances de mes predecesseurs Et dire Les _
Messes Que Jordonne estre dictes pour Moy quy retiens _
Sur La Totallitté de mon bien de diSpoSer par un Codicille _
de ce quy mest deubt sur bagé et sur virieu, de plus _
Je veulx & entendz que mon her[iti]er porte mon Nom & mes _
armes purement & simplement Et que son filz aiSné _
En herite de mesmes sans que ses freres & Sœurs y _
puissent rien pretendre et en Cas que mon heritier _
vienne a Mourir sans enfans sy Je suis En vie _
Je veulx que Le bien me revienne, sy Je suis morte _
a Celluy qu'on Trouvera Nommé par mon Codicille _
a la charge de donner douze mil eScuz a MonSieur _
Le corps de Diane η restera chez les Capucines η et Recollets jusqu'à ce que le couvent que la marquise veut faire bâtir puisse le recevoir. Les Capucines η diront deux messes par jour et recevront cinquante écus η par an tant qu'elles auront la dépouille de Diane. Elles nourriront trente-trois pauvres lors de la quarantaine.
Une messe sera célébrée par trente-trois prêtres à chaque anniversaire de la mort de Diane - trente-trois signifiant peut-être l'âge du Christ à sa mort.
Le couvent que Diane η projette recevra mille livres η par an. Il s'agit, pense le chanoine Reure (p. 51, note 3), du couvent d'Augustins déchaussés que Diane et Honoré avaient pensé fonder en 1623.
D'après le chanoine Reure, Diane « fut ensevelie dans son église paroissiale de Saint-Martin-d'Estréaux » (p. 356).
Dans le testament, la référence à Bâgé η et Virieu η indique les principaux sujets de litige de Diane η avec les d'Urfé.
La liste des dons suit la description de la tombe et des cérémonies religieuses. La première nommée est Ysabeau Honoré de Chenillac, l'épouse de Pierre Le Long, seigneur de Chenillac. La Chesnaye appelle cette femme Anne de Berton (Article Le Long-de-Chenillac).
aisné Ou celluy quy Tiendra de sa maiSon comptant _
ce que Je Luy reSteray de qui Je Luy ay donné _
par son contract de mariage, Je veulx & Entendz _
Que mon heritier paye une année de Gaiges de Tous _
Mes domestiques et quil ne Jouisse de mon bien que _
Tous mes Legataires et Crean[ci]ers Ne Soient satisfaictz _
Ou quil Nayt Traicte avecq eulx Je nentendz reprendre _
en este Jouissans ce que Je Luy ay donné par Contract _
de Mariage Et seullement ce que Je me reserve pour _
mes Legataires Je Les Mettray par un Memoire eScript _
et signé de ma main par ce que durant ma vie Jen _
paieray ce qui Je pourray et veulx que ce memoire _
soit observé comme mon TeStement et der[nièr]e volonté _
Et Tous Les deus comme donna[ti]on pure & Simple Et _
Irrevocable & Comme donna[ti]on entre vifz Je veulx _
ma Sepulture rellevée de deux piedz, Et donne Cinq _
ans de Terme a mon heritier pour faire & parfaire _
mon BaStiment Lequel eStant et des Religieux y _
habitans Je veulx q[u']on Cellebre des Messes de mes _
demeures Et Tous Les Jours une messe de N[ot]re dame _
Et une du s[ain]t eSprit Et Tous Les ans au Jour q[ue] Je _
Mourray quilz cellebrent Tous pour moy, Et faire _
ung serment solempnel, pour La Luminaire de mon _
Enterrement Quarentaine et Bout de lan q[u'i]l Soit _
honnorablement sans superflicité qu'on y appelle _
Ceux quy se Trouveront des plus proches Et q[ue] Jay _
ellevez Et obligez par biens faictz,
Diane η de Châteaumorand a fait des dons à une seule et unique famille, les Chenillac, les cousins qui contestent le testament.
Le Dictionnaire de la noblesse de La Chesnaye précise qu'Honorée Le Long de Chenillac s'est mariée en 1628 (VIII, Article Le Long-de-Chenillac).
Bien avant le décès de Diane, Pierre Le Long de Chenillac a épousé une nièce d'Honoré d'Urfé, Éléonore de Cavalque, le 25 juin 1605 à Saint-Martin-d'Estréaux (Reure, p. 121). Éléonore est la fille de Madeleine d'Urfé, sœur d'Honoré née en 1564 et mariée à Parme.
Quant à l'héritier de Diane η, Jean-Claude de Lévis, il s'est marié le 27 décembre 1625, avant la disparition de sa tante donc, peut-être à sa demande expresse (Reure, p. 356).
L'héritier aura cinq ans pour faire construire la sépulture de Diane η. La sépulture devra être relevée de deux pieds. Aux cérémonies religieuses de nouveau décrites dans le testament, Diane ajoute un rappel du nombre de bougies nécessaires.
On aura remarqué qu'il n'est jamais question du cercueil d'Honoré d'Urfé, ou même de prières qui réuniraient les âmes des époux.
Je LaiSSe auSSy _
un Memoire a mon heritier de Tous Les affaires q[u'i]l _
peult Avoir Avecq Mess[ieu]rs durfé pere & filz quil _
doibt suivre Car Il contient La pure veritté Il terminera _
Tous Les enseignemens dans Le Tresor de ceste maiSon _
Luy Recommandant pour La fin de ne donner Vendre _
Ou changer Les authorittéz q[u'i]l aura sur La Liere & Sur _
V[iri]eu, Et de bien et doucement Traicter ses subjectz _
faisant exercer La Justice par Gens de bien & capables _
Pour Les religieux de ma fonda[ti]on Je Les Nommeray _
par mon memoire par ce que Jattendz des deSpeches _
de Romme pour Les eSlire Et pour executeur de mon _
Testament Et der[niè]re Volonté, Je supplie Monsieur Le _
Lieutenant General de Molins en prendre La peyne _
Et mon her[iti]er En paier Les fraiz faict a ch[ât]eaumorand _
ce dernier octobre Mil Six cens Vingt cinq Tous au[tr]es _
TeStament Cassez & annulléz Signé chaSteaumorand. _
Les d'Urfé mentionnés sont Jacques II η et son fils, Charles-Emmanuel η. Le mémoire qui concerne les d'Urfé pourrait être la description de l'acquisition de Bâgé η reproduite ci-dessus.
Le trésor
est
« le lieu ou se gardent les titres & papiers d'une grande Maison » (Furetière).
Une fondation soutiendra le futur couvent. Diane η attend l'autorisation de Rome pour établir cette institution religieuse.
L'exécuteur du testament est le lieutenant général de Moulins.
Trouvé dans Le susd[i]t Testament _
cloz & Cachetté _
Je donne donc dix huict mil francz a ysabeau honnoré _
de chevillac Et Les au[tr]es dix huict mil Que Je donne _
a Son frere aisne a qui Je reste au pere de la donna[ti]on _
faicte par son Contract de mariage y sera Compris _
Et Sy Je marie La filhe Jentendz que ce que Iceluy _
promettray & donneray deSchargera mon heritier daultant _
Et aussy que Les proSfictz des Trois Mil eScuz _
Luy Sont payez _
Je donne A Anne de Moncorbier filhe de la Fege douze _
Cens Livres pour ce mettre Religieuse y Comprenant _
ce quy Sera deubt de ses Gaiges Quy Se Trouvera _
par mon grand Livre des domeStiques que Je _
Veux estre payé JuSques a un Liart deSchargeant _
mon heritier de Tout ce que Je paieray durant ma _
vie a elle ou au[tr]e _
A Thoinette de Godiniere Trois cens Livres que Je _
Luy ay promis Qu'ant elle a eSpouze Le Sieur de la _
Grauge _
A Noble Jacques deJas quy ma Long Temps Servy #o _
ou[tr]e Ses Gaiges dont Lon Trouvera un arresté de _
Compte dans Le mesme Livre. #o Cinq cens escus _
A la filhe du chaStellain huict cens Livres pour Se _
mettre Religieuse _
A Anne Bicart Cent escuz pour se marier me reServant _
dadJouxter ou diminuer par mon Codicille a Toutes _
Mes diSpoSi[ti]ons eScript Et Signé Le Jour & an q[ue] _
dessus Signe de chaSteaumorand _
Diane η favorise quatre femmes et un homme.
- Anne de Moncorbier. Les Moncorbier sont une famille du Bourbonnais qu'on a associée avec François Villon.
- Thoinette de Godiniere. Godinière est un petit château du Bourbonnais sur la paroisse de Saint-Martin-d'Estréaux (Reure, p. 3).
- Anne Bicart. Une famille Bicard a vécu en Bourbonnais.
- L'anonyme fille du châtelain est peut-être la fille de Pierre Deschamps, seigneur nommé dans le manuscrit Châteaumorand a2 18.
- Jacques de Jas η, écuyer de 43 ans, a longtemps servi Diane.
Le susdict Testament Memoire Et acte de SubScription _
Ont eSte Leuz & publiéz en Jugement pardevant Nous _
Lambert Croppe Con[seill]er du Roy Lieutenant General _
Civil au bailliage de foreStz CLaude Line Lieuten[an]t _
par[ticuli]er et eStienne papon Con[seill]er aud[i]t Siege Ce _
Requerant M[aîtr]e Thomas Gouin ad[voc]at dud[it] Seigneur _
de levis heritier de laditte dame de chaSteaumorand _
present Et assiste de M[aîtr]e Michel [?] Son _
procureur Comme plus amplement eSt Contenu _
au proces Verbal de louverture dIcelluy de ce dict _
Jour dont A esté octroyé Acte & Ordonné q[u'i]l _
sera Enreg[ist]ré au Livre du GreSfe des InSignua[ti]ons _
dudict Bailliage Ce qu'a esté faict par Le _
greSfier Et Icelluy Soubz[si]ne ez feuilletz Trente Cinq _
Trente Six Trente Sept Trente huict & Trente neuf _
dudict Livre huy Lundy Seiziesme Jour de Mars _
Mil Six Cens vingt Six. _
Dubarry (paraphe) Greffier
dix livres po[u]r
expedi[ti]on ou po[u]r le
Clerc (paraphe)
Cet
Étienne Papon n'est pas le fils de Jean Papon η, car celui-ci est mort sans enfants en 1581 (Longeon, pp. 59-65). Il s'agit probablement de son filleul et héritier, Étienne Papon, Avocat au Parlement (V. D., p. 98).
Le testament de Diane η renferme des informations d'une telle précision qu'elles engagent à douter de certains termes du testament d'Honoré d'Urfé.
COTE : Dans la liasse a2, le numéro 61 comprend 46 feuillets datés du 23 mars 1629.
PREMIÈRE PHRASE : « Messire Jean Claude de Levy de Chasteaumorand, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy ».
DERNIÈRE PHRASE : « Du 23 mars 1629 1629 Ecritures du sieur [?] martin livrées de la 2e Liasse ou il faut les reporter ».
Le marquis de Châteaumorand, l'héritier de Diane η, présente une requête contre Jacques η le Paillard η d'Urfé, frère et héritier d'Honoré d'Urfé, marquis de Valromey, et Messire Henri de Maillard, Comte de Tournon, marquis de Saint-Damien, époux de Charlotte-Emmanuelle d'Urfé, la fille de Christophe η d'Urfé.
Dans cette longue requête que je résume, la bassesse de Jacques d'Urfé η semble inouïe. La violente critique des positions qu'il a prises est frappante.
Deux notations essentielles sont à souligner :
- L'épouse de Jacques η, Marie de Neufville η, prétend détenir une procuration qui démontrerait que son mari n'est pas l'héritier légitime de son frère. Si cette femme disait vrai, le Testament d'Honoré d'Urfé serait frauduleux.
- Le marquis de Châteaumorand désire contester ce testament litigieux :
« Il fault tost ou tard venir a une discussion generale de
Lhoirie dudit Sieur honoré dUrfé ».
Le plaignant, l'héritier de Diane η, rappelle les faits contestés :
- Le 15 février 1600, Honoré d'Urfé et Diane η de Châteaumorand se sont mariés devant Guepillon, notaire royal à Saint-Martin-d'Estréaux. Comme le contrat est passé en pays de droit écrit, les époux sont « associez en tous Biens meubles et Conquets ».
- Si Honoré d'Urfé décède le premier, Diane η recevra soixante-quinze mille livres η qui lui seront payées deux ans après la mort de son époux. Honoré lui reconnaît comme douaire la terre de Virieu η avec ses trois mille livres η de revenus.
- Si Diane η décède sans enfants, Honoré devient son héritier universel.
- Le contrat de mariage se trouve au baillage du Forez et au marquisat de Bâgé η.
À la mort d'Honoré d'Urfé, son frère et héritier, Jacques η, fait « tous actes d'heritier ». À l'époque, Diane η s'empare de Virieu η comme de son douaire « sans aucun contredit de la part dudit Sieur Jacques d'Urfe ou dudit Sieur Marquis de St Damian ». L'héritier de Diane, lui, rencontrera des difficultés quand il devra faire valoir ses droits.
Or Comme pendant _
led[it] mariage ledit _
Sieur honoré dUrfé _
Se trouva Impliqué _
en de grandz debte _
provenans non d'aucung _
mauvais meSnage de _
sa part Avec Seulement _
des SucceSSions paternelles _
et maternelles, Et _
particulierement de celles _
de dame honoré de _
Savoye ComteSSe de _
[?] dont neantmoins _
Ledit Sieur Jacques _
son frere Le debvoit _
acquiter Comme ayant _
eSté Seul & univerSel _
heritier de Leur dicte _
Mere, _
Le Parlement de Provence reconnaît à un bourgeois nommé Ange Morosny des droits sur cet héritage qui s'élèvent à dix-huit mille livres η ; Jacques η d'Urfé le lui aurait vendu. En 1610, la Cour de Belley donne à Morosny les terres de Virieu η et de Châteauneuf. Honoré et Diane η s'opposent à ce jugement. Jacques η d'Urfé est « condamné à desdommager et garentir » Honoré, suivant l'accord fait en 1599 entre les frères d'Urfé. Morosny meurt. Sébastien Zamet η hérite de ses biens. En 1612, Honoré et Diane η vont payer vingt mille livres η à Zamet η pour retirer Châteauneuf et Virieu η d'entre ses mains. Pour ce faire, ils empruntent de l'argent au sieur Godefroy.
depuis Led[it] sieur honore _
dUrfé Voyant quil ne _
pouvoit avoir raiSon _
dudict Sieur Jacques _
Son frere Il auroit _
eSté contrainct Se pourvoir _
a La Cour, et Le _
faire assigner pardevant _
sieur Commis pour se _
voir Condamner tant _
au payement de ladicte _
somme de soixante _
quinze mille Livres _
par Luy dheue par _
Ladicte tranSaction du _
vingt huictieme de May _
quatre vingt dix neuf _
que remboursement des _
arrerages par luy payez _
de Ladicte rente.
Toutes ces poursuites traînent en longueur
« rendues inutiles par les fuytes ordinaires et accoustumees dudit Sieur Jacques η d'Urfé ». Tandis qu'Honoré d'Urfé s'endette en attendant la résolution du conflit, son épouse, le 4 août 1621, obtient la séparation des biens. Elle le fait pour protéger ses droits.
Après la mort d'Honoré, Diane η renonce le 1er juillet 1625 à la Communauté. Elle ne conteste pas le testament qui la spolie. Elle continue de payer la rente des vingt mille livres η dues à Zamet η et de
« jouyr paisiblement desdites
terres de Virieu η et
Chasteauneuf par forme de douaire ».
Après la mort de Diane η, son héritier se présente à la porte du château de Virieu η. Balthazar Dessay η (homme à tout faire d'Honoré puis de Jacques η d'Urfé) lui en interdit l'entrée. Le procureur ordonne l'inventaire η des « meubles tiltres et papiers qui seroient trouves dans ledict chasteau ». Le fermier général, Antoine Cyonot, conserve les revenus des terres.
En janvier 1628, le marquis de Châteaumorand porte plainte. Jacques η d'Urfé atermoie. Il va jusqu'à se faire passer pour mort ! La cause est remise de mois en mois. Le 7 août 1628, Jacques η d'Urfé revoit le jour. Son épouse prétend alors avoir une procuration sans
toutefois en repreSenter _
aucune, elle donna charge _
au procureur de sondit _
mary de remonStrer quil _
neStoit point heritier _
dudit sieur honore _
dUrfe Son frere.
Enfin, après encore un mois entier de tergiversations, Jacques η d'Urfé plaide. Il affirme que Diane de Châteaumorand η n'avait pas le droit d'hériter de Virieu η et de Châteauneuf, terres données par la famille à Honoré en 1599.
L'épouse, selon lui, a perdu ses droits pour deux raisons :
La premiere que ledit _
Mariage n'a peu ny _
deub SubSiSter ny par _
ConSequent Les Conventions _
faictes en suitte et _
qui sont accessoires diceluy _
Comme est Lad[ite] pretendue _
societé, _
La Seconde que Ladicte _
dame ayant de Son _
vivant non Seulement _
obtenu Separa[ti]on de biens _
d'avec Ledict deSfunct _
Son mary Mais meSme _
renoncé a la Communaulté.
Le débat porte d'abord sur le premier point, la prétendue nullité du mariage d'Honoré et de Diane η.
Voici la première partie des arguments présentés alors en latin :
Je joins la traduction de Xavier de Saint-Chamas, que je remercie. J'espère qu'un juriste se penchera un jour sur ce texte obscur η.
Ce qui est si vray que si la règle instituant qu’un mari juste doit rendre les acquêts communs avec sa femme demeure établie ; ainsi qu’il y en a en la pluspart des provinces et pays coustumiers de France, cette règle vaut même entre époux putatifs, de telle sorte que, tout comme de nombreux avant eux, Iunda a voulu que cette menace se présente à eux, et l’a soutenu dans le chapitre 2 de sa glose de Donat « Sur les relations entre mari et épouse », et il est suivi par Barbat et d’autres dans le chapitre « Des preuves », issus de les lettres de Piquor.
Voire encore en plus fortz termes la femme putative donnera son avantage entre celui qu’elle préfère des différents moyens de rendre pour restituer la dot, parmi lesquels celui qu’on préfère vraiment est dans le chapitre cinquantième, dans le cas elle a contracté le mariage dissous (par son veuvage) avec une dot et plus ; et le texte fait défaut au chapitre cinquantième dans le cas où l’épouse a constitué une dot conformément au droit.
Je rappelle quelques définitions:
- Un mariage putatif est un « mariage que les parties ont contracté à tort, mais de bonne foi, dans l'ignorance où elles sont des empêchements qui s'opposaient à leur union » (Littré).
- Un asquest est un « bien immeuble qu'on ne tient point de ses parens, qu'on a acquis, ou qui est venu d'ailleurs. Les Coustumes distinguent les biens en propres, & en acquests. Tout homme peut disposer de tous ses acquests, mais il ne peut disposer par testament que du quint [cinquième] de ses propres » (Furetière).
Le procureur du marquis de Châteaumorand à son tour revient à la charge. C'est la voix de la raison, semble-t-il. Le mariage ne peut pas être contesté longtemps après la mort des deux époux uniquement dans le but de frustrer l'héritier de ses droits.
La séparation de biens, le second point soulevé par Jacques η d'Urfé, n'a rien à voir avec l'héritage, puisque le contrat de mariage stipule qu'Honoré d'Urfé a reconnu à Diane η un douaire de vingt cinq mille écus η dans le contrat.
Par ailleurs, les terres de Virieu η et de Châteauneuf proviennent effectivement de la maison d'Urfé, mais, cédées à des tiers, elles ont été rachetées par Diane η de Châteaumorand et Honoré d'Urfé, comme on l'a vu plus haut. Par un contrat du 5 septembre 1612, Sébastien Zamet η (décédé en 1614) leur a remis ces terres. Diane de Châteaumorand « a tousjours payé les arreages de ladicte rente ».
donques Ladicte dame _
ou ledict Sieur de _
ChaSteaumorand Son heritier _
eStant Creancier pour _
une Si notable Somme _
que celle La, Seroit Il _
pas touiours plus _
JuSte quil Joint du _
moins pure pignoris _
et par forme dantichreSe _
des terres & Seigneuries _
- « Un contract pignoratif est un contract par lequel on vend, on engage un heritage à faculté de remere ou de rachat » (Furetière), c'est-à-dire qu'on peut racheter ce qu'on a cédé à un créancier.
- L'antichrèse est l'« abandon des revenus d'une propriété pour les intérêts d'un emprunt » (Littré).
de queStion pluStoSt _
que Le debteur qui _
veult Jouyr Sans rien _
payer,
Attendu meSmement _
quil fault toSt ou tard _
venir a une diScuSSion _
generale de Lhoirie dud[it] _
Sieur honoré dUrfé. _
En effet, le testament d'Honoré d'Urfé en nommant Jacques II η héritier universel spolie Diane η de Châteaumorand.
Le
procureur se tourne ensuite vers le Marquis de Saint-Damien qui réclame la dot de son épouse, Charlotte d'Urfé, fille de Christophe η d'Urfé. En 1621, Honoré d'Urfé aurait promis à sa nièce vingt mille ducatons
« avec hypotheque
specialle sur lesdictes
terres de Virieu η et
Chasteauneuf, et encore
sur celle de Valromey ». Est-ce vrai ?
Le marquis de Châteaumorand demande à voir ce contrat de mariage. Diane η de Châteaumorand a-t-elle vraiment signé qu'elle renonçait à ses droits ? L'a-t-elle fait sciemment ?
La modeStie _
et pudeur de Son _
Sexe Joincte avec La _
Craincte reSpectueuSe que _
elle portoit a son _
mary preSent ne Luy _
permettoit pas de _
troubler La feSte en _
teSmoignant du meScontentem[en]t _
ou apportant quelque _
refus a LInvitation _
et Commandement qui _
Luy eStoit faict d'aSSiSter _
et SoubScrire aud[it] Contract _
avec Les au[tr]es y _
denommez. _
Le contrat dotal η de la nièce d'Honoré d'Urfé et du comte de Saint-Damien a survécu (Dufour, pp. 129-130). Il s'avère que cette pseudo-« hypotheque specialle » est une invention pure et simple du clan d'Urfé. Cette clause ne figure pas dans le contrat. Plus encore, en 1656, lorsque Charlotte-Emmanuelle d'Urfé lègue à son fils aîné
« toutes les prétentions qu'elle peut avoir [...] sur la terre de Virieu-le-grand η à cause de sa légitime η » (Dufour, p. 142), elle se réfère à l'héritage que son père a laissé, non à une quelconque promesse d'Honoré d'Urfé et de Diane η de Châteaumorand.
Le procureur de Jean-Claude de Lévis présente en conclusion un nouvel argument : Puisque Jacques d'Urfé consent aux demandes du marquis de Saint-Damien et lui cède Virieu η, pourquoi ne cède-t-il pas Virieu η au marquis de Châteaumorand dont les raisons sont plus fortes ?
Réponses et contre-réponses se poursuivent sans doute.
Une génération s'en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours (L'Ecclésiaste 1:4).
Tout est vanité et poursuite du vent
(L'Ecclésiaste 1:14).
Charles-Emmanuel η d'Urfé, fils de Jacques II η d'Urfé, reste marquis de Bâgé η. Il meurt sans laisser d'héritier mâle en mesure de continuer sa lignée. Jean-Claude de Lévis, neveu de Diane de Châteaumorand η, conserve Virieu η et plaide sans se lasser. Le 18 avril 1726, le château est vide quand il prend feu (Callet, p. 264). Charlotte-Emmanuelle, fille de Christophe d'Urfé, n'a pas reçu l'héritage de son père, et sa dot n'est pas encore payée en 1731 (Bernard, p. 61, note 1). Diane η de Châteaumorand n'a jamais eu son couvent. Nul ne sait où est sa tombe (Voir le château dans le site de la commune, 15 septembre 2018). Les archives de sa maison se sont éparpillées.
Seule L'Astrée survit.