Banderole
Première édition critique de L'Astrée d'Honoré d'Urfé
L'Astrée, 1621, Troisième partie.
Watkinson Library, Trinity College (Hartford, CT, USA), PQ 1707.U7
doigt_gDeuxième partie doigt_dLivre 1


Éd. Vaganay, III, p. 5.
Éd. 1619, n.p.

Liminaires

Signet(Aller à 1619 fonctionnelle)

frontispice_3
Astrée III
Watkinson Library, Trinity College (U.S), PQ 1707.U7


Pavane dite « Grand bal η ».
Library of Congress. An American Ballroom Companion (1997).

Transcription :
L'Astrée du sieur d'Urfé.
À Paris Par la Société des Imprimeurs η.

Voir Illustrations. D'autres éditions de la troisième partie ont un frontispice plus savant (Voir celui de l'édition de 1619).


Signet

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L'ASTREE
DE MESSIRE
HONORÉ D'URFÉ,
MARQUIS DE VERROMÉ η,
Comte de Chasteau-neuf, Baron de Chasteau-morand η,
Chevalier de l'Ordre de Savoye η, &c
OU
PAR PLUSIEURS HISTOIRES ET SOUS
personnes de Bergers et d'autres sont deduits les divers
effects de l'honneste Amitié.


TROISIESME PARTIE.

Reveuë, corrigee, et augmentee de beaucoup
en cette derniere Edition.

Dedié au ROY.

A PARIS,
Chez TOUSSAINCT DU BRAY, rue S. Jacques,
aux Espics-meurs : Et en sa boutique au Palais
en la galerie des Prisonniers.


M. DC. XXI

AVEC PRIVILEGE DU ROY.


SignetÉd. Vaganay, III, pp. 3-4.

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AU ROY

s_au_roy_21SIRE ;


  Cette Bergere qui s'oze presenter maintenant devant vos yeux, est celle‑là mesme qui autresfois prenant une semblable hardiesse, fut receuë avec tant de faveurs par HENRY LE GRAND, de tres-heureuse et tres‑glorieuse memoire, Pere de vostre Majesté : J'avois creu en la luy dédiant, que cette ASTREE, que la sage Antiquité a tousjours prise pour la JUSTICE,


se devoit offrir à celuy qui par ses armes luy avoit donné envie de descendre du Ciel, pour revenir dans les Gaules son ancienne et plus agreable demeure η : Mais aussi tost qu'elle a oüy le nom de Lôys, que Ξvostre Majesté V.M. porte, elle a incontinent jugé qu'elle estoit bien plus obligee de se donner toute à vous, SIRE, puis que par l'Ξelection eslection dune tres‑heureuse destinee, s'il est vray que les LOIS soient une mesme chose que la JUSTICE, vostre nom glorieux, et le sien, ne signifient qu'une mesme chose : celuy de LOYS η ne pouvant estre escrit, que l'on n'y lise aussi cette sacree parole de LOYS η. Considerant cette heureuse rencontre de vostre Nom, avec vostre loüable inclination : j'avoüe que je l’ay prise pour un infaillible augure, que comme


nous avons eu un HENRY LE GRAND, par qui la France chancelante avoit esté relevee et r'afermie, ou pour mieux dire, par qui estant perduë elle avoit este reconquise ; de mesme nous verrons en nos jours un LÔYS LE JUSTE, qui luy rendra sa premiere splendeur, et la maintiendra en son ancienne Majesté, avec tant de prudence et d'équité, que ce Regne ne sera pas moins admirable ny redoutable, par les solides fondemens d’une durable Paix, que celuy qui est passé l'a esté par la force et par les armes. Dieu qui a tousjours maintenu la Couronne que vous portez avec des particuliers Ξsoings soins, par dessus toutes les autres de la Terre, augmentera le nombre de ses Graces en Ξvostre Majesté V.M., tant que Ξcette ceste ASTREE sera en vostre ame


et en vos desseins, et tant que l'espee que vous aurez au costé ne sera employee que pour la maintenir, on ne tranchera η que par ses mains. Ne l'esloignez donc point de vous, SIRE : mais au contraire, à l'imitation de ce Grand Roy, Pere η de Ξvostre Majesté V.M., aymez-la, et la cherissez avec une tres certaine asseurance, que tant que vous reiglerez vos actions à son exemple, vous acquerrez une extreme Gloire par-dessus tous les Princes de la Terre, une tres grande Amour parmy vos Peuples, et une infinie benediction de la main de Dieu. Toute l'Europe attend ces effects de Ξvostre Majesté V.M. Tous les François les esperent, et tous bons et fideles Ξsujets subjets les Ξsouhaitent souhaittent ; et moy SIRE, en cette qualité η, j'en supplie Dieu, avec tous ceux qui desirent


la grandeur de vostre Couronne, le repos de vos Peuples, et la gloire de vostre Nom, comme celuy qui sera à jamais,

SIRE,


Tres-humble, tres-fidele et
tres-Ξaffectionné obeïssant serviteur et
sujet de vostre Majesté,

HONORÉ D'URFÉ.

Le portrait de l'auteur manque dans cet exemplaire. Voir Illustrations.


SignetÉd. Vaganay, III, pp. 5-7.
Éd. de 1619, n.p.

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L'AUTHEUR
A la Riviere de LIGNON.

21_b_autheurBELLE et agreable riviere de Lignon, sur les bords de laquelle j'ay passé si heureusement mon enfance, et la plus tendre partie de ma premiere jeunesse, quelque payement que ma plume ayt pu te faire, j'avoüe que je te suis encore grandement redevable, pour tant de contentemens η que j'Ξai ay receus le long de ton rivage, à l'ombre de tes arbres fueillus, et à la fraischeur de tes belles eaux, quand l'innocence de mon aage me laissoit jouyr de moy­mesme, et me permettoit de gouster en repos les bon-heurs et les felicitez


que le Ciel d'une main liberale respandoit sur ce bien­heureux Pays, que tu arrozes de tes claires et vives ondes, mais il faut que tu croyes pour ma satisfaction, que s'il me restoit encore quelque chose avec laquelle je te Ξpusse peusse mieux tesmoigner le ressentiment que j'ay des faveurs que tu m'as Ξfaictes faites, je serois aussi prompt à te la presenter, que de bon cœur j'en ay receu les obligations et les contentemens : Et pour preuve de ce que je dis, ne pouvant te payer d'une monnoye de plus haut Ξprix pris, que de la mesme que tu m'as donnee, je te voüe et te consacre, ô mon cher LIGNON, toutes les douces pensees, tous les amoureux souspirs, et tous les desirs plus ardens, Ξque qui durant une saison si heureuse ont Ξoccupé *nourry mon ame de si doux entretiens, qu'à jamais le souvenir en vivra dans mon cœur. Que si tu as aussi bien la memoire des Ξagreables aggreables occupations que tu m'as donnees,


comme tes bords ont esté bien souvent les fideles secretaires de mes imaginations, et des douceurs d'une vie si desirable, je m'asseure que tu recognoistras Ξaysément aisément qu'à ce coup je ne te donne, Ξny n'y t'offre rien de nouveau, et qui ne te soit desja acquis, depuis la naissance de la passion que tu as veuë commencer, augmenter et parvenir à sa perfection le long de ton agreable rivage, et que ces feux, ces passions, et ces transports, ces desirs, ces souspirs, et ces impatiences sont les mesmes, que la Beauté qui te rendoit tant estimé par dessus toutes les Rivieres de l'Europe, fit naistre en moy durant le temps que je frequentois tes bords, et que libre de toute autre passion, toutes mes pensees commençoient et finissoient en elle, et tous mes desseins et tous mes desirs se limitoient à sa volonté. Et si la memoire de ces choses passees t'est autant agreable que mon ame ne se peut rien


imaginer qui luy apporte plus de contentement, je m'asseure qu'elles te seront cheres, et que tu les conserveras curieusement dans tes demeures sacrees η, pour les enseigner à tes gentilles Nayades, qui peut estre prendront plaisir de les raconter Ξquelquefois quelquesfois, la moitié du corps hors de tes fraisches ondes aux belles Dryades, et Napees, qui le soir se plaisent à Ξdanser dancer au clair de la Lune parmy les prez qui emaillent ton rivage d'un perpetuel Printemps de fleurs : Et quand Diane mesme avec le chaste Chœur de ses Nymphes η viendroit apres une penible chasse, despoüiller ses sueurs η dans ton sein, ne fay point de difficulté de les raconter devant elles ; et sois asseuré, ô mon cher LIGNON, qu'elles n'y trouveront une seule pensee qui puisse offencer leurs chastes et pudiques oreilles. Le feu η qui alluma cette affection fut si clair et beau, qu'il n'eut point de fumee, et l'embrazement


si pur et net, qu'il ne laissa jamais noirceur apres Ξsa la bruslure en pas une de mes actions, ny de mes desirs.
  Que s'il se trouve sur tes bords quelque ame severe, qui me reprenne d'employer le temps à ces jeunes pensees, maintenant que tant d'Hyvers ont depuis neigé dessus ma teste, et que de plus solides
viandes devroient desormais repaistre mon esprit, Je te supplie, ô mon cher LIGNON, respons luy pour ma deffence. Que les affaires d'Estat ne s'entendent que difficilement, sinon par ceux qui les manient : Celles du Public sont incertaines, et celles des particuliers bien cachees, et qu'en toutes la verité est odieuse η. Que la Philosophie est espineuse ; la Theologie chatoüilleuse, et les sciences traittees par tant de doctes personnages, que ceux qui en nostre siecle en veulent escrire courent une grande fortune, ou de desplaire, ou de travailler inutilement, et peut estre de se perdre eux-mesmes,


aussi bien que le temps et le soin qu'Ξingratement ingrattement ils y employent. Mais qu'outre cela, il faut qu'elle sçache η, que les nœuds dont je fus lié dés le commencement sont Gordiens, et que la mort seule en peut estre l'Alexandre ; Que le feu qui me brusla est semblable à celuy qui ne se pouvoit estaindre que par la terre, et que celle de mon tombeau seule en peut estouffer la flame : de sorte que l'on ne doit trouver estrange si la cause ne cessant point, l'effet en continuë encore : que ny les ΞHivers Hyvers passez, ny tous ceux qu'il plaira à mon destin de redoubler à l'avenir sur mes annees, n'auront jamais assez de glaçons, ny de froideurs pour geler en mon ame les ardentes pensees d'une vie si heureuse : Ny je ne croiray point pouvoir jamais trouver une plus solide nourriture que celle que je recois de son agreable ressouvenir, puis que toutes les autres qui depuis m'ont esté diverses fois presentees, m'ont toujours


laissé avec un si grand desgoustement, et avec un estomach si mal disposé, que je tiens pour une maxime tres-certaine, LA PEINE, L'INQUIETUDE, ET LA PERTE DU TEMPS ESTRE DES ACCIDENS INSPERABLES DE L'AMBITION η. Et au contraire, AYMER, que nos vieux et tres-sages Peres disoient AMER, qu'est-ce autre chose qu'abreger le mot d'ANIMER, c'est à dire, faire la propre action de l'Ame ? Aussi les plus sçavans η ont Ξdict dit il y a long temps, qu'elle vit plustost dans le corps qu'elle ayme, que dans celuy qu'elle anime. Si Aymer est donc la vraye et naturelle action de nostre ame, qui est le severe Censeur qui me pourra reprendre de repasser par la memoire les cheres et douces pensees des plus agreables actions que jamais ceste Ame ayt produites en moy ? Que personne ne trouve donc mauvais si je m'en ressouviens aussi long-temps que je vivray ; et


de peur que mesme par ma mort elles ne cessent de vivre, je te les remets, ô mon cher et bien aymé LIGNON, afin que les conservant et les publiant, tu leur donnes une seconde vie, qui puisse continuer autant que la source eternelle te produit, et que par ainsi elles demeurent à la posterité aussi longuement que dans la France l'on parlera François η.




 

Le Privilege du Roy est inseré à la
fin du Livre.


SignetÉd. Vaganay, III, p. 8.

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ODE η
A LA RIVIERE
DE LIGNON
Par le Sr. de Baro.

21_l_odeLIgnon qui par un doux murmure
Charmes les soucis plus cuisans,
Pour te guarantir de l'injure
Et de la puissance des ans :
Urfé faict voir à tout le monde
Tant de merveilles de ton onde,
Et tant de beautez, que je croy
Que par sa plume glorieuse,
Il rendra la mer envieuse
Et ses eaux jalouses de toy.



Aussi les bords que ton rivage
Esmaille de belles couleurs,
Par un miracle de nostre aage,
Ont moins de roseaux que de fleurs :
Et les beaux yeux de tes Bergeres
Plus divines que boccageres,
Bruslent nos cœurs : mais tellement
Que tu peux benir la fortune,
Si l'eau que tu dois à Neptune
S'oppose à cét embrasement.

Encor seroit-il impossible
A cet Element d'empescher,
Que ton cœur ne receust sensible
Les traicts qu'elles sçavent lascher :
Mais considerant leur visage,
La crainte de vivre en servage
Donne des aisles à tes pas,
Et faict que tu fuys leur presence,
Pour rencontrer plus d'asseurance
Dans la mer que dans leurs appas.



Combien de fois la jalousie
M'a faict souhaitter de pouvoir
Gouster les douceurs de la vie,
Dont tu jouys sans le sçavoir ?
Poussé de ce desir extreme
J'ay dict mille fois en moy-mesme :
O Dieu dont j'adore le nom
Fais à mon Amour ceste grace,
Que Lignon occupe ma place :
Ou bien moy celle de Lignon.

Jamais la clairté de mon onde
Ne s'esloigneroit de ces lieux,
Pour chercher ailleurs vagabonde
Des objects qui luy pleussent mieux :
Car ravy de les voir si belles
Je serois paisible pres d'elles,
Autant que dureroit le jour,
Et puis soubs une nuict contraire
Nous porterions à nostre mere
Pactole l'or, et moy l'Amour.



Les vents de leurs fortes haleines
N'estonneroient plus les Zephirs,
Mais seroient pour plaindre mes peines
Changez en amoureux souspirs.
Que si quelquesfois ma frisure
Bien que sans point faire d'injure
S'eslevoit par des tourbillons,
C'est que foible pour tant de flamme,
Le feu qui brusleroit mon ame
Seroit cause de ces bouïllons.

Mais qu'est-ce que me represente
La vaine ombre de ces plaisirs,
Il en faut esloigner l'attente,
Comme en estouffer les desirs,
Car je sçay (s'il est necessaire,
Qu'un souhait bien que temeraire
Desormais me serve d'object)
Qu'il faut que mon ame ravie,
Juge digne de son envie
Plustost l'Autheur que le subject.


Ainsi Lignon si dans toy-mesme
Tu retiens quelque sentiment,
Admire la faveur extreme
Qu'Urfé te faict en t'estimant :
Et afin que l'ingratitude
Ne soit le prix de son estude,
Prise le beau feu qui l'éprit,
Et confesse dans tes limites,
Que tu tiens ce que tu merites
De sa plume et de son Esprit.

 


Signet
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Astrée III
Watkinson Library, Trinity College (U.S), PQ 1707.U7

Voir Illustrations.