Résumé
des intrigues principales
de L'Astrée
ne fût-ce que pour varier la scène & renouveller par
quelques rosées, les vernis des prairies & des bois ;
on peut aussi mêler dans leurs caracteres quelques
passions tristes, ne fût-ce que pour relever le goût du
bonheur, & assaisonner l'idée du repos.
Le chevalier de Jaucourt,
Encyclopédie de Diderot, Article Pastorale.
1 L'Astrée renferme les aventures d'une communauté dont les ancêtres ont choisi de s'éloigner des guerres et de vivre en bergers dans des hameaux sur les rives du Lignon, c'est-à-dire dans la patrie d'Honoré d'Urfé.
Le roman se déroule en Gaule, dans le Forez du Ve siècle après Jésus-Christ, et dure six mois à peu près. Les personnages principaux sont presque tous jeunes ; les héros n'ont pas vingt ans.
L'Astrée renferme aussi les aventures de chevaliers et de dames - appelées nymphes - qui appartiennent à la cour d'Amasis, Dame du Forez, et qui vivent à Marcilly, la capitale. Amasis a deux enfants,
Clidaman et Galathée.
Trois ans avant le début du roman, Clidaman a organisé un tirage au sort pour apparier jeunes gens et jeunes filles.
Plusieurs étrangers surviennent en Forez. La plupart sont habillés en bergers. Ils fréquentent les gens du hameau non les gens du château. À la fin de la quatrième partie, un texte inachevé, des bergers et des étrangers se rendent à Marcilly η.
2 L'Astrée est un roman historique, comme l'indique la Chronologie. Dès la première partie, les bouleversements politiques du Ve siècle affectent la vie d'Alcippe, le père de Céladon, et le destin de deux enfants enlevés en bas âge, que nous connaîtrons sous les noms de Silvandre et de Paris. À partir de la deuxième partie, le romancier enferme l'histoire de ce terrible Ve siècle dans des histoires intercalées qui s'avèrent des nouvelles historiques. L'Empire romain figure dans l'Histoire de Placidie et l'Histoire d'Eudoxe, respectivement la mère et l'épouse de Valentinen III. Les débuts de la domination franque figurent dans la troisième partie grâce à l'Histoire de Childeric, fils de Mérovée et père de Clovis. Dans la quatrième partie survient l'Histoire de Dorinde ; c'est la cour du roi des Bourguignons, Gondebaud, qui est alors décrite.
Une seule et unique nouvelle historique s'inspire certainement d'événements qui se déroulent à la fin du XVIe siècle : l'Histoire d'Euric, roi des Wisigoths, est un récit voilé η de la liaison d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées η. Ce récit trône au début de la troisième partie, un volume qui a paru neuf ans après l'assassinat du Roi.
3 L'Astrée est un roman d'amour. Honoré d'Urfé présente avec brio toutes les couleurs de cette « violente passion que la nature inspire aux jeunes gens de divers sexes pour se joindre, afin de perpetuer l'espece », comme dit Furetière dans son Dictionnaire. Personne ne songe à perpétuer l'espèce dans L'Astrée, mais personne ne recommande la vie d'ascète. Nombre de personnages pourraient prendre pour devise cette réflexion que fait Equicola η dans ses Six livres de la nature d'amour (Livre 1, f° 72 recto).
« Amour est en nous seigneur et maistre ».
Plaisirs d'amour et chagrins d'amour défilent. Ils ne produisent pas un roman à l'eau de rose, mais un roman qui a pu être considéré comme risqué à cause des libertés que donnent les travestissements. « L'amour y est traité d'une manière si délicate, et si insinuante, que l'amorce de cette dangereuse passion entre aisément dans de jeunes cœurs », reconnaît un évêque qui admire L'Astrée (Huet, p. 530). Grâce à l'âge, aux loisirs et à l'audace de ses personnages, Honoré d'Urfé se plaît à décrire toutes sortes de relations amoureuses, y compris des relations homosexuelles (en apparence du moins).
L'essentiel pourtant reste la faculté de juger sainement en amour. Le romancier, bien sûr, ne renie pas l'auteur d'Epistres morales. Comment est-ce que l'aimé(e) va choisir entre les deux personnes qui l'aiment ? Comment s'assurer des sentiments du partenaire élu ? Honoré d'Urfé s'attarde sur des récits de malentendus qui prennent des allures de drames à cause de la jalousie et de la méfiance entretenues par des méchants. Le temps apportera-t-il la certitude ou la paix à ces âmes déchirées ? L'espoir seul soutient ceux qui aiment, répond le romancier qui traite l'espérance comme la mère, la sœur (I, 3, 72 verso) et la nourrice (I, 10, 327 verso) de l'amour. Je répète ici cette information essentielle qui indique la coloration des dénouements à venir.
4 L'Astrée est un roman inachevé. La grande question ne connaîtra jamais de réponse certaine. Est-ce que ces histoires d'amour vont finir bien ? Entendons-nous sur le sens de « finir bien ». L'Astrée ne se terminera certainement pas comme un film d'amour américain ou comme une comédie de Molière, par des mariages en série, Laurence Plazenet l'a bien démontré. D'Urfé semble partager l'opinion de Montaigne : « Un bon mariage, s'il en est, refuse la compagnie et conditions de l'amour : il tasche à representer celles de l'amitié » (III, p. 66). Les couples que le romancier réconcilie définitivement se fiancent sous les yeux bienveillants d'un druide (Daphnide et Alcidon, Madonthe et Damon) ou d'un roi (Criséide et Arimant). Un seul et unique couple représente l'exception qui vérifie la règle, Célidée et Thamire se marient dans le temps du roman, sans assistance et sans supervision. Ils restent sans enfants, mais ils sont heureux. Tous les autres vivent dans l'attente - même lorsque rien ne semble empêcher un mariage, comme dans le cas de Phillis et Lycidas, ou dans le cas de Doris et Palémon, ou encore dans le cas de Silvie et Ligdamon dans la cinquième partie de 1625.
Oui, L'Astrée finira bien. Jean Du Crozet, en 1593, après avoir lu une ébauche du roman, a annoncé le futur avec une métaphore audacieuse :
Et Astrée à la fin, changeant sa cruauté,
Du Berger Céladon rendra l'ame assouvie,
Faisant ancrer son mas au havre souhaité (p. 115).
La clôture du roman montrera des couples heureux qui ne sont pas encore liés de manière indissoluble, des couples qui espèrent (Pleins feux).
5 L'Astrée se déploie autour de trois intrigues amoureuses centrales. Les amours d'Astrée et de Céladon donnent au roman sa colonne vertébrale. Les amours de Diane et de Silvandre offrent un chronomètre qui indique le passage du temps. Les amours de Galathée fournissent un calendrier qui mêle les guerres des Francs et la contestation du gouvernement en Forez. Quant aux amours d'Hylas, elles s'égrènent pour varier la perspective et faire passer le temps ...
« Le temps de la nature » et « le temps de l'aventure » s'imbriquent dans L'Astrée. La première partie commence avec le suicide de Céladon, au tout début du printemps, et elle dure environ six semaines. La deuxième partie débute un mois après la fin de la première, en plein été. Elle dure environ trois mois. Elle sert de cadre au début du travestissement de Céladon en druidesse ainsi qu'à la gageure de Silvandre supposé faire semblant d'aimer Diane pendant trois mois. La troisième partie commence en juillet, trois jours après la fin de la deuxième. Elle se déroule pendant une semaine à peu près ; la gageure se termine plus tard que prévu. La quatrième partie débute tout de suite après et ne requiert que trois jours. Le passage des heures et des jours est indiqué par l'état de la lune et par les repas.
L'aventure principale est destinée à s'achever bientôt, car le travestissement de Céladon doit finir trois ou quatre mois après avoir commencé. À ce moment, les druides foréziens qui reviendront de la réunion annuelle des Carnutes auront vu la véritable Alexis et seront en mesure de démasquer le héros. Le temps est compté. Honoré d'Urfé le dit lui-même dans ses Epistres morales : « C’est esperer en vain que penser
sortir de ce dedale des desplaisirs,
qu’avec le filet de la raison, ou du temps » (I, 13, p. 118).
Le temps compté et relativement déterminé des aventures contraste avec le temps bondissant de la culture, c'est-à-dire les dates précises de l'histoire du Ve et du VIe siècle. La défaite d'Attila aux Champs Catalauniques, l'assassinat de l'empereur Valentinien III, la mort de Mérovée, l'assassinat d'Euric, l'exil de Childéric et les victoires de Gondebaud poussent le lecteur du roman vers des voies de traverse (Voir Chronologie historique). Pour dessiner les méandres du temps astréen, Honoré d'Urfé regarde au microscope le destin des bergers du Lignon et au télescope les tribulations des rois étrangers.
Astrée, Céladon, Diane, Silvandre et Galathée sont les cinq piliers du roman. Autour d'eux gravitent près de trois cents personnages. Qu'ils jouent un rôle important, comme Léonide, Laonice, Lériane, ou encore le Chevalier barbare, un rôle secondaire, comme Aimée, Agis, Adelonde, ou encore Proxime, tous figurent dans les Tableaux des Personnages. Ils jouissent donc d'une fiche signalétique où leurs faits et gestes sont résumés.
6 L'Intrigue centrale et primordiale : Astrée et Céladon
De tout temps, dans tous les contextes et dans toutes les mémoires, ce couple emblématique éclipse les personnages qui l'entourent. Il est le foyer de l'œuvre d'Honoré d'Urfé. Ainsi, en 1666, lorsqu'un personnage du Roman bourgeois offre les cinq volumes du roman à la jeune fille qu'il veut séduire,
il se mit luy-mesme à relire L'Astrée, et l'estudia si bien qu'il contrefaisoit admirablement Celadon. Ce fut ce nom qu'il prit pour son nom de roman, voyant qu'il plaisoit à sa maistresse, et en même temps elle prit celuy d'Astrée (Furetière, p. 1007).
Trois siècles plus tard, en 1964, c'est ce couple qui retient toute l'attention d'un éditeur ingénieux, Gérard Genette :
On s'est arrêté à conserver ce qui offre le plus de cohérence et de continuité (et peut-être [...] de signification) : les amours d'Astrée et de Céladon (p. 22).
En 2007 encore, pour le quatre centième anniversaire du roman, Éric Rohmer intitule son dernier film « Les Amours d'Astrée et Céladon », et, dans la première BD astréenne, Louis Bouchet privilégie Céladon et Astrée.
7 Dans la première partie, Astrée et Céladon se séparent
Tout au début du premier livre, Astrée, poussée par la jalousie, chasse Céladon, événement dont découle ce roman à double foyer - puisque les héros vont vivre des aventures différentes. Céladon se jette dans le Lignon. Astrée et tous les bergers le croient mort.
Astrée raconte sa vie à ses amies : Bien qu'ils appartiennent à des familles ennemies, Céladon et elle s'aiment depuis leur plus jeune âge. Un jour de fête, le berger se travestit pour déclarer son amour. Lors d'un Jugement de Pâris ludique, Céladon (qui passe pour Orithie) décerne la pomme à Astrée. Les jeunes gens, pendant trois ans, surmontent les obstacles inventés par le père de Céladon. Peu après la mort du père, un nouveau type d'obstacle surgit : Semire, un berger amoureux d'Astrée, montre à la jeune fille Céladon en train de réciter des vers à une bergère. Astrée oublie qu'elle a donné à son partenaire l'ordre de feindre d'aimer une autre. Elle renvoie Céladon, et pleure maintenant sa mort.
Astrée et ses compagnons reçoivent nombre de visites. Bergers des hameaux voisins, bergers de la ville de Paris et étrangers déguisés en bergers content leurs aventures. Quelques couples demandent un arbitrage.
Pendant ce temps, des nymphes - dont le nom seul est mythologique - secourent Céladon qu'elles trouvent évanoui près de la rivière. Il s'agit de Galathée, fille de la Dame du Forez, et de ses suivantes. À côté des gens du hameau apparaissent donc les gens du château dont les amours sont relatées à Céladon.
Ces amours sont aussi bouleversées par la présence même de ce trop aimable berger. En effet, un faux druide a prédit à la nymphe Galathée qu'elle aimerait l'homme qu'elle rencontrerait sur les rives du Lignon : Galathée tombe amoureuse de Céladon et en fait son prisonnier. Le faux druide soutenait Polémas, et c'est ce chevalier que Galathée aurait dû voir.
Dans les jardins du château de Galathée se dresse une inaccessible fontaine de la Vérité d'amour η. Léonide, suivante de Galathée, et plus tard, son oncle, le druide Adamas, expliquent à Céladon l'historique et les fonctions de ce monument trois fois enchanté, et doté d'un halo de légende. Adamas et Léonide ensuite aident le berger à recouvrer sa liberté en lui prêtant une robe de nymphe. Le héros devient Lucinde pendant quelques heures.
Parce qu'Astrée lui a commandé de ne plus se montrer à elle, Céladon libéré ne revient pas dans le hameau.
8 Dans la deuxième partie, Astrée et Céladon se rapprochent.
Céladon habite dans une caverne. Léonide et Adamas le secourent en lui donnant l'occasion et les moyens de s'exprimer. À l'instigation du druide, Céladon construit dans les bois un Temple dédié à Astrée, déesse de la Justice. Il y expose une copie agrandie d'un portrait que la bergère lui a offert, et il le décore de poèmes.
Adamas engage son protégé à élever sa pensée : il lui explique les mystères d'une religion tolérante qui marie druidisme et christianisme. Un oracle semble commander au druide d'œuvrer pour le bonheur de Céladon. Adamas donc suggère au jeune homme de prendre le nom et la place de sa fille, Alexis, et de vivre près de lui. Ce travestissement ne pourra pas durer plus de trois mois et demi, parce qu'il doit cesser avant la fin de l'assemblée annuelle des druides : à ce moment tout le Forez saura que la vraie fille d'Adamas est toujours dans son couvent. La fausse Alexis doit disparaître auparavant.
Entre-temps, Astrée, toujours entourée par les gens du hameau, continue à écouter des récits qui exposent des choix, plus ou moins judicieux, faits par amour.
L'alter ego du romancier, un étranger habillé en berger et nommé Silvandre - silva andros, homme du Forez - sert d'intermédiaire entre Astrée et Céladon. Le hasard veut qu'il dorme à la belle étoile lorsque Céladon l'aperçoit et pose sur son cœur une missive destinée à Astrée. Silvandre montre cette lettre à la jeune fille, puis guide ses compagnons vers le lieu où il a reçu ce papier. Parce qu'il se fourvoie, les gens du hameau aboutissent plutôt devant le Temple d'Astrée.
Portrait agrandi et poèmes induisent en erreur l'héroïne : Astrée est plus que jamais convaincue que Céladon est mort ;
« l'esprit » du berger aurait construit le temple et écrit son amour. Céladon a quand même une compensation : il découvre Astrée endormie et lui vole un baiser. La jeune fille croit avoir eu une vision. Elle demande qu'on construise un tombeau à l'âme de Céladon. La cérémonie funéraire se déroule dans les bois. La nymphe Léonide et son cousin, Paris, y assistent.
Peu après, une délégation de bergers - des hommes seulement - se rendent chez Adamas pour souhaiter la bienvenue à la fille du druide, Céladon travesti en druidesse Alexis. Le travestissement est si parfait qu'il trompe même le frère de Céladon. Hylas, l'inconstant du roman, tombe amoureux de la feinte druide. Qui pourrait mettre en doute la parole du druide Adamas qui se dit le père de cette séduisante Alexis ?
9 Dans la troisième partie, Astrée et Céladon se rejoignent.
Astrée et ses compagnes se rendent chez Adamas. Astrée exhibe son affection enthousiaste pour cette Alexis qui ressemble tellement à Céladon. Pendant les deux jours que dure la visite, les jeunes gens ont des conversations intimes. Astrée se propose de devenir druide pour ne pas quitter sa nouvelle amie. Alexis lui confie ses amours passées avec une jeune druide qui l'aurait repoussée. C'est une version déguisée des amours d'Astrée et de Céladon, ce que la bergère ne comprend pas.
La demeure d'Adamas sert de cadre aux scènes les plus étonnantes et les plus titillantes, grâce à la description de couchers et de réveils. Alexis a sa propre chambre, mais au matin, la nymphe Léonide amène Astrée près d'elle.
Le druide, sa nièce, Léonide, et Alexis, sa prétendue fille, vont ensuite dans les hameaux et logent chez l'oncle d'Astrée. Cette fois, la répartition des lits est plus délicate. Dans la chambre d'Astrée, Alexis sera dans un lit et Astrée partagera un autre lit avec Diane, sa compagne, et Léonide. Les baisers d'Astrée bouleversent la demie résistance d'Alexis. La fausse druide passe donc d'un extrême à l'autre : les scènes érotiques sont suivies de monologues pathétiques, car Alexis-Céladon reconnaît qu'elle s'est mise dans une situation inextricable.
Adamas est convoqué au palais avec sa fille et sa nièce. Or le druide a toujours soigneusement évité toute rencontre entre Alexis et Galathée, sachant bien que la nymphe serait moins naïve que les bergers parce qu'elle est moins sensible à son ascendant. Il décide donc de se rendre dans la capitale avec Léonide seulement. Alexis reste près d'Astrée.
laissant son roman inachevé.
Lui survivent deux groupes de suites de L'Astrée.
Les brouillons parus en 1624, 1625 et 1626 sont plus fidèles que les prolongements dus à
Balthazar Baro en 1627 et 1628,
la pseudo Vraye Astree et la Conclusion.
10 Dans la quatrième partie de 1624, Astrée et Alexis sont inséparables.
Astrée et Alexis vivent toujours dans une parfaite intimité.
Leurs rôles s'inversent parce qu'elles échangent prénoms et robes. Leurs constantes caresses étonnent leurs compagnes. La feinte Alexis, vêtue en bergère, est de plus en plus troublée, physiquement et mentalement, par les faveurs que lui prodigue Astrée habillée en druidesse. Céladon émerge deux fois : Alexis se bat comme un homme lorsqu'une jeune femme est attaquée par une troupe d'hommes armés ; Alexis prend la défense du sexe masculin lorsque tous les hommes sont accusés d'être inconstants.
Astrée fait un songe qui se termine par la vision de Céladon. Elle crie le nom du berger à son réveil. Malgré les interprétations (logiques mais erronées) que lui propose Alexis, la bergère reste persuadée que Céladon est mort. La reconnaissance semble imminente puisqu'Astrée a effectivement appelé Céladon à haute voix.
11 Dans les suites posthumes de 1625 et de 1626, Astrée et Céladon sont rapprochés.
Le Forez est en alerte. Le danger est personnifié par un chevalier forézien : il s'agit de Polémas, l'homme qui prétendait épouser Galathée, et qui veut maintenant s'emparer du gouvernement de la contrée. Il enlève la fille d'Adamas pour se venger du druide. Astrée et Alexis ont encore échangé leurs vêtements ; elles se disent toutes deux filles d'Adamas et finissent en prison. Elles sont libérées grâce à un soldat de Polémas qui n'est autre que Semire, le berger qui, dans la première partie, a séparé les jeunes gens. Semire reconnaît immédiatement Céladon et le nomme devant Astrée. La bergère réussit quand même à interpréter ce qu'elle entend comme une confirmation de la mort de Céladon.
Dans la pseudo Vraye Astree de Balthazar Baro, en 1627,
Bien qu'il recopie la plupart des aventures parues précédemment, le soi-disant secrétaire censure les ébats d'Astrée et d'Alexis.
12 Dans la Conclusion de Balthazar Baro, Astrée et Céladon sont réunis grâce à un enchantement,
facilité que d'Urfé méprisait η.
Les jeunes gens se rendent à Marcilly. Adamas recommande à Céladon-Alexis de se montrer à Astrée sous sa véritable identité. Mais Polémas alors attaque la ville. Céladon-Alexis se bat après avoir prétendu se retirer pour prier. Polémas est vaincu. Céladon, blessé, cache son identité même à ceux qui le soignent.
Adamas révèle à Astrée la vérité. La bergère, humiliée et mortifiée, ordonne au jeune homme de mourir.
Pour se tuer, le berger va défier les bêtes sauvages qui gardent la fontaine de la Vérité d'amour. Il découvre Astrée évanouie. La jeune fille, pleine de remords, a eu le même projet que lui. Les lions se battent entre eux, puis se transforment en statues de pierre. Le tonnerre éclate. Le dieu Amour apparaît pour annoncer qu'il va prononcer un oracle le lendemain. Astrée et Céladon sont réconciliés. Quelques jours après, gens du hameau et gens du château défilent devant la fontaine de la Vérité d'amour maintenant accessible. Plusieurs couples célèbrent leur union.
13 L'Intrigue principale auxiliaire : Diane et Silvandre
Ces amours ont deux caractéristiques particulières. D'abord, elles ne sont pas enfermées dans des histoires intercalées : Diane et Silvandre commencent à s'aimer sous nos yeux, dans le temps du roman. Ces amours démontrent ensuite que les faits contredisent parfois les théories du savant Silvandre. Le jeune homme décrète catégoriquement que l'amour doit survivre à la mort. Heureusement pour lui, Diane ne reste pas fidèle à la mémoire de son premier amour. Silvandre affirme que la jalousie est le contraire de l'amour ; l'expérience lui prouve que ces sentiments cohabitent.
14 Dans la première partie, Diane et Silvandre se découvrent.
Silvandre, un enfant trouvé, quitte la Savoie pour se rendre en Forez afin d'obéir à un oracle : la fontaine de la Vérité d'amour doit lui révéler le secret de ses origines. Il s'habille en berger et vit dans le hameau en attendant que la fontaine soit accessible. Diane de son côté se rapproche des bergers du Lignon après avoir vécu des aventures tragiques qu'elle raconte à ses nouvelles amies.
Des invasions ont séparé Diane de sa famille. À la suite de l'enlèvement de son frère, son père est mort et sa mère s'est faite druide après avoir marié la jeune fille avec Filidas. Diane ignore que son époux est une fille qui passe pour un homme. Toutes les deux découvrent l'amour quand elles font la connaissance de Filandre. Celui-ci échange de vêtements avec sa sœur pour rester près de Diane. Filidas et Filandre connaissent une mort violente en défendant Diane, convoitée par un Chevalier more.
Phillis reproche à Silvandre d'être insensible à l'amour. Le jeune homme se défend en disant qu'il sait aimer. Astrée suggère alors une compétition. Qui saura mieux aimer Diane, Silvandre ou Phillis ? Les rivaux auront trois mois pour démontrer leur savoir-faire. Silvandre tombe vite véritablement amoureux de Diane.
15 Dans la deuxième partie, Diane et Silvandre s'aiment.
Sous le couvert de la gageure, Silvandre exhibe ses sentiments. Diane explique à Astrée que, en dépit de son attirance pour le jeune homme, elle n'épousera jamais Silvandre parce que c'est un enfant trouvé. Malgré tout, elle ne le repousse pas et lui offre même un bracelet fait de ses cheveux.
Le fils du druide Adamas, Paris, accompagne Léonide, sa cousine, dans le hameau des bergers. Il tombe amoureux de Diane et s'habille en berger pour lui plaire. La jeune fille l'aime seulement comme un frère.
16 Dans la troisième partie, Diane s'écarte de Silvandre
Pour mettre fin à la compétition ludique qui a duré plus de six semaines et qui nuit aux intérêts de Paris, le druide Adamas oblige Diane à rendre sa sentence. La bergère décrète que Phillis est la plus aimable, et que Silvandre sait mieux se faire aimer. Les diverses interprétations de cette habile sentence se succèdent.
La bergère
Laonice, pour se venger d'un jugement que Silvandre a rendu contre elle dans la première partie, calomnie le jeune homme en prétendant qu'il aime Madonthe et qu'il a quitté le hameau avec elle. Diane se laisse influencer par le discours de Laonice. Persuadée que Silvandre lui préfère une autre femme, elle autorise Paris à la demander en mariage à sa mère.
17 Dans la quatrième partie de 1624, Diane et Silvandre sont séparés puis réunis.
Diane demande à Phillis de reprendre le bracelet offert à Silvandre. Le berger, apprenant les ressentiments de Diane, s'évanouit de chagrin. Les jeunes filles découvrent qu'un rameau de gui est gravé sur son bras.
Silvandre, désespéré par les reproches de Diane, consulte un oracle. Les dieux lui annoncent qu'il doit mourir et que Diane va épouser Paris. Silvandre pleure en rapportant cette prédiction funeste à ses amis. Phillis lui donne une interprétation aussi optimiste que vraisemblable.
Diane se réconcilie avec Silvandre après avoir entendu Laonice se vanter d'avoir calomnié le jeune homme.
18 Dans les suites posthumes en 1625 et en 1626,
les relations de Diane et Silvandre n'évoluent pas.
Dans la Conclusion de Balthazar Baro, Diane et Silvandre sont réunis grâce à un enchantement.
Silvandre veut se tuer. Il accompagne Céladon pour se rendre à la fontaine de la Vérité d'amour. Les bergers découvrent Diane et Astrée évanouies. Ils se lancent contre les lions pour les protéger. Le dieu Amour apparaît. Il prononce un oracle le lendemain : Adamas doit tuer Silvandre. Quand le druide voit le rameau de gui, il reconnaît que Silvandre est son fils. Diane épousera Silvandre.
19 L'Intrigue principale aristocratique : les amours de Galathée
Galathée aime successivement Polémas, Lindamor et Céladon. Elle semble tentée de tomber amoureuse de Damon d'Aquitaine.
20 Dans la première partie, Galathée tombe amoureuse trois fois.
Petite fille, à Marcilly, Galathée écoute attentivement les récits que les druides font à son père. Fascinée par les origines du Forez, elle est fière de porter le nom et les habits d'une Galathée mythique qui a épousé l'Hercule gaulois. Galathée doit succéder à sa mère, parce que le système politique forézien veut que seules les femmes gouvernent.
Polémas, un chevalier de la Cour, recherche Léonide. Quand Galathée voit l'heureux couple dans le jardin, elle convoque la jeune fille et lui ordonne de s'éloigner de Polémas. Galathée elle-même séduit le chevalier.
À cause du tirage au sort organisé par Clidaman, Lindamor se trouve autorisé à rechercher Galathée. Ce chevalier, plus jeune que Polémas, gagne le cœur de la nymphe. Les jeunes gens correspondent par l'entremise d'un jardinier. Jaloux, Polémas prétend que Lindamor se vante des faveurs reçues. Lindamor, déguisé en chevalier inconnu, se bat contre son rival. À la demande de Galathée, il laisse la vie à son adversaire, et se retire. Le chevalier inconnu n'a pas arrêté le combat assez vite, pense la Princesse.
Lorsqu'elle apprend l'identité de ce chevalier victorieux mais grièvement blessé, Galathée refuse de lui écrire. Léonide - par amitié pour Lindamor ou par haine pour Polémas - prétend que Lindamor est mort et qu'il fait envoyer son cœur à Galathée. Déguisé en jardinier, Lindamor remet un cœur bien vivant à la Princesse. Galathée promet à Lindamor de l'épouser dès que son frère, Clidaman, sera marié.
Polémas recourt aux services de Climanthe pour regagner Galathée. Ni chevalier, ni Forézien, Climanthe est un personnage mystérieux d'une très grande habileté. Il découvre que Lindamor portera un habit vert le jour où il va quitter Marcilly pour se battre aux côtés des Francs. Climanthe se déguise en druide, s'installe dans des bois, et prétend prédire l'avenir. Le faux druide annonce à Galathée qu'un homme à l'habit vert doit faire son malheur. Trois jours après, Climanthe lui montre le reflet d'un tableau qu'il a peint. C'est l'endroit où la Princesse verra « un diamant » qu'elle doit prendre et conserver. Galathée croit le faux druide.
Le lieu fatidique se trouve à Isoure, le long des rives du Lignon. Galathée s'y rend avec ses compagnes favorites, Léonide et Silvie. Elle découvre Céladon évanoui. Les nymphes emmènent le berger au palais. Galathée tombe amoureuse de Céladon, le lui écrit, puis le lui dit. Comme le berger dépérit malgré tous les efforts de ses hôtesses, Léonide va chercher son oncle, le druide Adamas. Avec la complicité de Léonide, le druide travestit le berger. Céladon, devenu Lucinde, sort du palais.
21 Dans la deuxième partie, les amours de Galathée stagnent.
La Princesse est furieuse quand elle constate la fuite de Céladon. Elle soupçonne la complicité de Léonide et la chasse du Palais. Humiliée par l'indifférence de son berger bien-aimé, Galathée se morfond de tristesse.
Une lettre de Lindamor lui apprend que le chevalier veut se venger de celui qui lui a volé le cœur de Galathée. La Princesse craint pour la vie de Céladon. Elle souhaite que Lindamor et Polémas se battent et meurent. Elle pourra ainsi épouser Céladon aussitôt qu'elle succédera à sa mère à la tête du Forez.
22 Dans la troisième partie, Galathée voyage.
Galathée, importunée par de mauvais rêves, consulte un oracle à Montverdun. Elle entend qu'elle doit se garder d'un amour qui se changera en fureur.
Elle rencontre un étranger, Damon d'Aquitaine. Il se bat contre un cousin de Polémas qui insulte les femmes. L'étranger tue l'un des chevaliers foréziens.
Galathée espère faire la connaissance des bergères du Lignon. Elle n'en a pas le temps, car sa mère la réclame chez le druide Adamas. Un chevalier de Lindamor, à la demande d'Amasis, la Dame du Forez, rapporte la mort du prince Clidaman.
Amasis est inquiète. Elle a découvert que Polémas échange des lettres avec Gondebaud, le roi des Bourguignons. Adamas doit rejoindre les nymphes à Marcilly avec sa fille et sa nièce.
23 Dans la quatrième partie de 1624, Galathée attend.
Galathée se réconcilie avec Léonide. Climanthe reparaît déguisé en druide. Pour atermoyer, les nymphes prétendent qu'elles vont le consulter de nouveau. Polémas s'arme.
24 Dans les suites posthumes en 1625 et en 1626,
Léonide porte les habits de Galathée pour tromper Climanthe - suggestion d'Adamas. Polémas enlève Léonide ; la nymphe réussit à s'enfuir. Climanthe, arrêté, se tue. Polémas s'allie avec le roi des Bourguignons pour attaquer Marcilly.
Dans la Conclusion de Balthazar Baro, Galathée et Lindamor sont réunis.
Polémas et Lindamor se battent en combat singulier. Polémas meurt. Galathée se divertit en s'habillant en bergère. Elle s'unit à Lindamor, partenaire que lui montre la fontaine de la Vérité d'amour.
Le couple principal, Astrée et Céladon, vit un coup de foudre et ses conséquences, la méfiance féminine et la schizophrénie masculine. Leurs amis, Diane et Silvandre, illustrent plutôt la connaissance qui raisonne avant de parvenir à un amour que la jalousie féminine met en danger. Galathée, quant à elle, incarne l'amour tyran avec ses coups de théâtre. Pour d'autres encore, aimer c'est marcher « sur un penchant de glace » (IV, 4, 824). À côté de cette multitude d'amoureux, évolue Hylas, « broüillon d'Amour », comme dit Silvandre (I, 8, 239 verso). Saint-Marc Girardin s'étonne : « Nulle part l'inconstance n'est plus spirituellement préconisée que dans ce roman consacré à la gloire de l'amour honnête et fidèle » (p. 79). Hylas ou le vivant paradoxe.
Grâce à sa condition sociale qui fluctue, grâce à ses voyages, grâce aux histoires d'amour qu'il vit et à celles qu'il raconte, Hylas côtoie dames et bergères, en Camargue, à Lyon, à Gergovie et en Forez. Amoureux universel, il passe d'un coup de foudre à l'autre ; il ignore la jalousie ; depuis qu'il a quitté Lyon, il ignore le mensonge. Audacieux et habile, il modifie des lois écrites au nom du dieu Amour. Certes, Hylas n'est pas un des piliers du roman, il serait d'ailleurs plutôt de la nature des courants d'air, lui qui se déguise en vent pour chanter : « Une heure aimer, c'est longuement » (III, 2, 49 verso). Jean de La Fontaine n'a pas tort de le considérer comme « un homme plus nécessaire dans le roman qu'une douzaine de Céladons » (p. 99).
Hylas est, comme Honoré d'Urfé, un conteur extraordinaire qui aime divertir un auditoire. Il raconte ses amours en les imbriquant avec les amours de ceux qui se confient à lui. Comme ce jeune homme de vint-cinq ans se plaît à énumérer les femmes qu'il a aimées, je l'imite ici, en ajoutant des numéros pour édifier les lecteurs.
PREMIÈRE PARTIE | 1. Carlis | |
2. Stilliane | ||
3. Aimée | ||
4. Floriante | ||
5. Cloris | Elle lui raconte son histoire. | |
6. Circène | Hylas tombe amoureux d'une voix qui chante puis l'oublie. | |
DEUXIÈME PARTIE | 7. Palinice | |
8. Circène | ||
9. Parthénopé | ||
10. Florice | ||
11. Dorinde | ||
TROISIÈME PARTIE | 12. Criséide | Elle lui raconte son histoire |
13. Madonthe | ||
14. Laonice | ||
15. Phillis | ||
16. Alexis | ||
17. Stelle | La seule relation qui ne commence pas par un coup de foudre (III, 9, 379 verso). | |
QUATRIÈME PARTIE | - |
Avec sa dernière passion, une jeune veuve volage, Hylas signe un contrat qui est surtout un anti-contrat. Les partenaires s'entendent pour conserver leur liberté. Combien de temps doit durer cette idylle sur mesure ? Il n'est plus question de ce couple dans les Astrées posthumes quand Hylas rencontre de nouveaux amis.
27 En désignant les personnages que je considère comme essentiels, j'ai compté sur mes connaissances de lectrice assidue de L'Astrée. L'informatique m'a donné une leçon de prudence en démontrant que les personnages principaux ne sont pas ceux qui sont nommés le plus souvent (Voir Dictionnaire des fréquences) ... Aux lecteurs de trancher donc.
28 Le sage Adamas - dont Honoré d'Urfé n'a pas eu le temps de raconter l'histoire - réussit à résumer cet immense roman en quelques mots. Agent du romancier, le druide explique à Céladon les exploits d'Amour, « le plus grand et le plus sainct de tous les Dieux »,
car toutes ces jalousies, tous ces desdains, tous
ces rapports, toutes ces querelles, toutes ces infidelitez,
et bref tous ces desnoüemens d'amitié, que pensez-vous
mon enfant, que ce soient que punitions de ce grand Dieu ?
(L'Astrée, II, 2, 120-121).
Aventures et mésaventures s'avèrent le châtiment de ceux qui aiment mal.